Bonjour,
Me voici donc de retour au Département des caisses et structures que j’avais quitté 15 ans plus tôt. Je n’ai pas vraiment de poste attitré et, en attendant d’en avoir un, je loge dans un bureau avec 6 jeunes ingénieurs formant une cellule d’experts pointus…Par chance, je vais avoir trois sorties de TGV à organiser dans un espace temps rapproché.
La première sera d’envoyer une rame PBKA à la foire internationale d’Hanovre. Nous avions été contactés par la représentante de cette manifestation à Paris. Si un tel voyage pouvait sembler des plus traditionnels, il y avait une légère difficulté à surmonter. En effet, la demande d’acheminement du convoi prévoyait, outre le PBKA, nos voitures et fourgon d’accompagnement et une BB 66400 comme machine nourrice. L’EBA qui venait d’être créé, m’a informé que la BB 66400 était inconnue de leurs services et que son homologation pour circuler en Allemagne couterait 10.000 DM. Alors, j’ai répondu qu’elle serait remplacée par une BB 67400, locomotive bien connue de leurs services puisqu’elles se rendaient tous les jours à Saarbrücken. Le PBKA ayant une place de choix, en plein milieu de l’esplanade centrale de l’expo, et comme la BB 67400 (67595) était stationnée à l’extérieur de l’enceinte de la foire, il nous a fallu tirer 300 m de câbles pour l’alimentation du TGV à travers l’un des plus grands halls d’exposition. De plus, n’étant pas certains de l’état de la voie noyée dans le sol et de sa continuité électrique, nous avons tiré une longueur équivalente pour garantir le retour de courant. J’avais prévu de loger ces câbles dans la gorge de chaque file de rail avant que le sol ne soit planchéié et moquetté. Mais c’était sans compter sur la crainte des exposants de savoir qu’il y avait du 1500 V sous leurs pieds. Alors, les organisateurs nous ont fourni des tubes métalliques de 2,50 m de long et emmanchables les uns au bout des autres pour y faire passer les câbles. Ce fut long et fastidieux, mais incontournable !
La BB 67595 qui nous avait servi de nourrice et qui avait également servi à entrer et sortir la rame PBKA de son lieu d’exposition. Tant qu’à faire, attelage de secours en place, on aurait pu s’en servir pour mettre les motrices nez-à-nez. Les allemands n’ont pas voulu.
Une des motrices isolée. C’est un petit locotracteur, genre Köf, qui s’est chargé de la manœuvre. Le conducteur n’était pas très doué, il n’arrivait pas à atteler les deux motrices par leur attelage automatique. A la sixième tentative, le type a pris de l’élan, à en faire patiner sa pétoire au démarrage ! Là, ça a cogné fort : heureusement que les systèmes élastiques des attelages peuvent encaisser jusqu’à 12 km/h.
Le train en compo de retour vers chez nous. Au fond, la E 120 est surement ma locomotive allemande préférée.
La deuxième, ce fut pour les 150 ans des chemins de fer danois (DSB). Le TGV exposé était une rame Duplex. J’avais obtenu de la part d’Alstom le prêt de deux wagons-raccords afin de nous éviter le voyage avec motrices nez-à-nez. Ces wagons étaient des couverts à deux essieux, au gabarit britannique, qui servaient au transfert des rames Eurostar entre la GB et Belfort. Donc, comme d’habitude, j’ai adressé une copie à la DB de la demande d’acheminement d’un convoi comprenant deux voitures et un fourgon d’accompagnement, une BB 67400 et un TGV Duplex encadré par deux wagons-raccords. Là encore, demande d’une lourde somme pour l’homologation du TGV Duplex en Allemagne. J’ai envoyé une étude de passage au gabarit des remorques et leur ait dit que tout le reste de Duplex était techniquement identique au PBKA, à la couleur près ! Ça, c’est passé : par contre ce qui n’est pas passé, ce sont les wagons-raccords. L’EBA m’avait adressé un fax le vendredi en matinée (alors que nous partions le lundi matin suivant) en me demandant de lester les deux wagons de 20 tonnes par crainte qu’ils ne déraillent sous les efforts longitudinaux. Je n’ai même pas répondu à une telle connerie, par contre j’en ai informé ma hiérarchie.
Partis le lundi matin de Villeneuve-Saint-Georges, nous sommes arrivés comme prévu à Forbach en fin d’après-midi. Peu de temps après, le visiteur de la DB venant de Saarbrücken s’est présenté sur le quai, auprès de notre Vru. Faut dire que lui et moi étions habitués à nous rencontrer pour les formalités de passage à la frontière. Après nous être salués, il m’a demandé s’il pouvait faire une petite visite du Duplex. Puis, chacun notre dossier en main, nous nous étions attablés dans la Vru. J’avais bien senti sa gêne car il avait pour instruction de s’assurer de la présence des 20 tonnes de lest dans chacun des wagons couverts. Je l’ai de suite rassuré : elles n’y sont pas. Alors, il m’a dit : « tu restes à Forbach » ! Je lui ai répondu : « tu diras à ta Direction que j’étais là à l’heure et avec toutes les roues sur les rails » ! Toujours est-il que nous avons passé la nuit à Forbach.
Le lendemain matin, c’est le Chef de gare qui s’était inquiété de notre présence. J’avais tranquillement pris ma douche au foyer des roulants puis après le petit ‘déj, j’étais allé dans son bureau pour téléphoner au Chef de Département des wagons à Paris. En moins d’une demi-journée, la représentation SNCF à Francfort était entrée en relation avec la DB et avait signé un engagement stipulant qu’en cas de déraillement du convoi en direction de Copenhague, la SNCF assumerait l’intégralité des dommages et des dépenses occasionnées. Finalement, nous avons eu le même avis train, avec un décalage de 24 heures.
Puis, le voyage s’est déroulé normalement avec le passage sur le majestueux pont métallique de Rendsburg où la voie ferrée décrit une large boucle et surplombe les habitations à plus de 40 mètres d’altitude, peu avant d’arriver au Danemark. Puis nous sommes arrivés dans une sorte de triage, avant Copenhague. Ce faisceau de garage était raccordé à la ligne nouvelle en construction reliant la Suède. La machine danoise a été débranchée : l’agent de manœuvre avait oublié de retirer le câblot de chauffage train qui a été arraché. Nous voilà bien avec notre BB 67400 et sa ligne de chauffage à la masse. Heureusement que José avait ce genre de pièce en rechange dans le fourgon ! Le temps de palabrer pour l’organisation des manœuvres et il avait réparé. Nous avons laissé le wagon-raccord de queue dans le faisceau et avons refoulé la rame à notre emplacement dédié avec la BB 67400. Une fois arrivés sur place, le long d’un quai en estacade d’une gare temporaire sur cette ligne nouvelle, nous avons dételé le TGV et repositionné la 67400 avec son wagon-raccord à quelques 200 m de là (afin d’éloigner la source de bruit de l’exposition).
Bien rodés à ce genre d’exercice, nous avons déroulé nos câbles, branché le tout, mis Duplex sous tension et une fois assurés que tout était en ordre, nous avons transféré sandwiches et boissons dans le bar (la SNCF a toujours tenu à ce que le bar d’un TGV en présentation soit en service : c’est bien plus convivial que de présenter un office rideau baissé. Hors de France, on s’adressait en premier à un opérateur local et si personne n’était partant, c’est en général Servair qui assurait la prestation, quitte à ce qu’il y ait arrangement entre exploitants). Une fois notre tâche finie, j’ai par hasard rencontré le responsable de la mission suédoise avec leur X 2000. Le lien fixe reliant la Suède et le Danemark n’étant pas encore en service (et pour cause nous occupions la ligne en construction) c’est par Ferry via Rostock que les suédois ont débarqué. J’ai eu plaisir à retrouver celui avec lequel j’avais travaillé à Eurailspeed 95 à Lille. Il m’avait informé que la délégation allemande (avec leurs premiers éléments d’ICE 3) propageait la rumeur que notre retard était dû aux perpétuelles grèves en France. J’aivais rétabli la vérité au sujet des entraves dont nous avions été victimes : Il m’a dit (le tout in English, of course) : « nous aussi, ils n’ont pas arrêté de nous emm…er ». Trois jours après, nous rentrions en France sans encombre.
Le lendemain de notre arrivée. Duplex, en arrière plan, est prêt pour l’inauguration de l’expo. Pendant ce temps là, la délégation italienne et Giancarlo Piro (le gars en gabardine et casquette à carreaux qui était le Chef de projet des ETR) implore la Madone parce que Duplex fait de l’ombre aux ETR. A l’époque l’expression n’existait pas, mais j’étais mdr ! A noter les structures tubulaires et les planchéiages métalliques de cette gare provisoire pour l’expo de matériels à grande vitesse.
Dans le bar de Duplex. Le gars en chemisette blanche est le serveur du bar. C’est un maitre d’hôtel indépendant sous contrat avec Servair. La nana à gauche, c’est Mireille Schmitt. Elle est native de Forbach et fut entre autre, ma voisine de bureau à la DDI. C’est elle qui m’avait félicité pour le PBKA « acheminé par téléphone » : par contre, je n’ai jamais pensé à lui exprimer mon admiration pour sa pratique des langues étrangères : elle maitrise quatre langues étrangères et se débrouille fort bien dans autant d’autres. Elle fut l’interprète et traductrice officielle de la SNCF pour tous les projets de TGV internationaux.
L’expo touche à sa fin. Nous, c-à-d l’équipe formée d’agents de conduite et du matériel, cadres et exécutants, mettons la main à la pâte pour ranger nos équipements, entre autre les 200 m de câble de chauffage, afin d’être prêts pour le retour. Les danois m’avaient demandé de fermer Duplex à 17h30 au lieu de 18h00 prévues. J’ai dit non, nous fermerons à 18h00 : par contre, à 18h30 nous serons prêts au départ !
Cadeau des DSB : ce petit réveil de 45 mm de diamètre, sobre, élégant et bien pratique ! Hélas, il ne sert plus et a été remplacé par le tél. portable kifétou…
à suivre pour la troisième expo.
2B.