Voies métriques et étroites à la DRG, la DB et la DR

[malletslm]

Oups ! de passage sur ce fil en ce dimanche matin, voilà que je découvre Tyrphon en pleine angoisse existentielle !

J'ai suivi avec énormément de plaisir les articles sur la 99-5611 et les 99-5621-22 mais j'avoue avoir omis d'y laisser un petit mot car... je n'ai rien trouvé d'intéressant à ajouter, tant la culture Doctus cum libro ? du conférencier laisse peu à ajouter !


Ah, si, une impression personnelle alors : les photos de la 5611 à Barth en 1968 et celle de la 5621 à Stralsund en 1960 sont magnifiquement choisies...

[tyrphon]

L'expression de mes états d’âme n’a pas été inutile, puisqu’elle a permis non seulement de retrouver mes « fidèles », mais aussi de redonner du cœur à l’ouvrage à l’ami Rock.
J’ai aussi constaté qu’il vaut mieux laisser un peu de temps entre les descriptions pour éviter que les éventuels commentaires s’entremêlent.
Je reprend le fil avec une histoire que je vous ai déjà contée dans un autre fil. Les échanges fructueux sur trois forums (!) m’ont permis de compléter la partie française de l’histoire de ces locomotives.

2-3-6 Série 99⁵⁶³ (1) - 99 5631 et 5632

Avec ces deux machines, nous commençons l’histoire en France, nous effleurons pour la deuxième fois l’histoire des lignes du Harz (que nous décrirons plus loin avec les locomotives d’origine de ces lignes), et nous en terminons avec l’histoire de l’ex-Franzburger Kreisbahn.

En 1890, la société Schneider construisit douze 031T pour les Chemins de fer Départementaux de la Côte d’Or (CDCO). Avec quatre autres machines identiques construites par Corpet et Pinguely, elles formaient la série 1 à 16 des CDCO.

Source: Chemins de Fer Régionaux et Urbains, revue de la FACS.

Rapidement surclassées pâr de nouvelles locomotives de types 030T et 130T, elles étaient déjà garées sans emploi en 1932. Aussi, le département fut bien heureux d’en vendre une douzaine aux allemands en 1942.
L’une d’entre elles finit- parait-il- de pourrir à St-Valery-S-Somme, après avoir été utilisée par l’Organisation Todt.
Mais deux autres exemplaires, de construction Schneider, se retrouvèrent hors service en 1945 sur la ligne Hildburghausen - Heldburg , en Thuringe. L’exploitation de cette ligne ne fut pas reprise et les rails partirent en URSS.
Nos deux machines furent envoyées dans le Harz, sur le Nordhausen-Wernigerode Eisenbahn. Le NWE leur affecta (sur le papier du moins) les numéros 71 et 72, mais les machines restèrent en réserve, toujours hors service.

En 1952 enfin, la DR, qui manquait cruellement de machines, se souvint de l’existence de ces machines et en envoya une aux ateliers de Blankenburg, non loin de là, pour remise en service. En fait, elle fut entièrement reconstruite avec une chaudière neuve! L‘année suivante la deuxième machine fut également reconstruite.
Les deux machines sortirent d’atelier sous les immatriculations 99 5631 et 99 5632 (ou portaient-elles déjà ces numéros sur le papier?), pour être mises en service sur l’ex NWE.

Les machines n'y remportèrent pas un franc succès et furent reléguées aux manœuvres. On relate juste une utilisation en secours, en double traction, pour tracter un train de trucks porteurs de Wernigerode à Hasserode!
A parir de 1954, les nouvelles 151T commençaient à arriver des ateliers LKM de Babelsberg, libérant probablement d’autres machines pour la réserve et les manœuvres et enlevant le peu d‘utilité qu‘avaient ces machines.
Dès 1956, la 99 5632 était retirée du service, avant d’être ferraillée vers 1960.

La 99 5631 partit d’abord en 1954 pour Gernrode, sur le tronçon de l’ex Gernrode-Harzgerode Eisenbahn qui n’était plus relié à l’ex NWE depuis 1945, puis quitta le Harz en 1958 pour l’ex Franzburger Kreisbahn. Elle y fut la seule locomotive n’ayant pas appartenu aux FKB affectée à ce réseau après guerre.
Contrairement à ses précédentes affectations, elle semblait appréciée sur les ex-FKB, aux caractéristiques beaucoup mieux adaptées à sa morphologie. Elle y avait acquis le surnom de « Harzkammel« . Elle resta en service jusqu’en 1966, et fut ferraillée peu après.

Source: http://www.harzquerbahn.com/index.html

99 5631 - Ausfahrt mit einem Personenzug nach Ribnitz-Darmgarten. Foto B. Wilcke
Source: http://www.stkramer.de/fkb_vorbild_995631.php

Source: livre sur les FKB édité par Zeunert
via : http://www.buntbahn.de/modellbau/viewtopic.php?t=644

Voila l’histoire des deux seules locomotives à vapeur françaises à voie étroite qui aient été intégrées au parc de la DR.

[malletslm]

Comme je m'en étais fait la réflexion sur le forum PME il est intéressant de voir, sur les photos montrant la face arrière de l'abri, comment l'ancienne porte "d'intercirculation" typique des CDCO se devinait encore malgré sa "condamnation" par des volets en haut en une tôle soudée en bas !

Cette ancienne "porte" centrale est d'autant plus curieuse que, si nous l'avons rencontrée de temps en temps sur des machines allemandes (au début de ce fil notamment) il ne me vient pas à l'esprit d'autre réseau français où les machines aient présenté cette disposition originale, même s'il y en a peut-être eu d'autres...

[tyrphon]

2-3-7 "Série" 99⁵⁶³ (2) - 99 5633 (ex 99 5631 bis)

Bien qu'appartenant apparemment à la même série, et ayant un temps porté le même numéro que l'une d'elles, cette machine n'a rien à voir avec les deux précédentes.
Il s'agit d'une locomotive bien connue des LGBistes, qui nous permet d'aborder un nouveau réseau, dont le nom est aussi bien connu, le Spreewaldbahn.

Le Spreewaldbahn était un réseau situé au Nord de Cottbus, non loin (et un peu au nord) des Spremberger Stadtbahn et Waldeisenbahn Muskau, dont nous avons déjà parlé.
A partir du centre d’exploitation de Strauplitz rayonnaient des lignes vers Lübben, Goyatz, Lieberose et Cottbus. Le réseau avait une longueur totale de 85 km. Sous les surnoms affectueux de „Spreewaldguste“, „Bimmelguste“ ou „Tschuchte“, il était et et resté un des chemins de fer à voie étroite les plus connus d’Allemagne, probablement à cause de l’attrait touristique de la région.

source: http://296486.forumromanum.com/member/f ... forum.html

source: http://www.die-spreewaldbahn.de/
Ce réseau commença sa vie sous le nom de Lübben-Cottbuser Kreisbahnen (LKB). La plus grande partie en fut ouverte à l’exploitation en 1898, à l’exception du tronçon Burg-Cottbus qui fut terminé l’année suivante.
Il fut renommé Spreewaldbahn en 1924.
Côté voyageurs, il bénéficiait de l’attrait touristique de la région. Les marchandises étaient principalement composées de matériaux de construction, engrais et combustibles.
Passé en 1937 sous l’administration du Land de Brandebourg, en 1945 sous contrôle de l’armée soviétique, puis devenu propriété du Land en 1946, le réseau fut finalement intégré à la DR en 1950.
Déjà limitée à Lieberose-Stadt et privée de sa jonction avec la « grande ligne » dans les années’50, la branche de Lieberose fut fermée en 1964. La branche de Lübben suivit en 1967. Sur la ligne restante Cottbus-Goyatz, les trafic marchandises fut supprimé en 1968, et le trafic voyageurs disparut en janvier 1970.Seul resta, jusqu’en 1983, le tronçon à trois files de rails Cottbus-gare - Cottbus-Aéroport.
Aujourd’hui, il existe un projet de ligne touristique au départ de Straupitz.
http://www.ig-spreewaldbahn.de/
Les gares de Goyatz et Straupitz sont préservées, avec quelques mètres de voies et du matériel remorqué.
Quelques (jolis) restes en sont présentés ici:
http://www.drehscheibe-foren.de/foren/r ... sg-1274927

Comme l’histoire du réseau, l’histoire du parc moteur est assez simple.
Le parc de locomotives était homogène. Il se composait de sept 030T, qui restèrent en service de l’origine aux dernières années d’exploitation (futures 99 5701 à 5707).
Une Mallet d’occasion fit juste une apparition de 1914 à 1926.
Parmi les quelques machines arrivées pendant la 2e Guerre Mondiale, seule une 130T fut intégrée au parc (future 99 5633).
Après la reprise par la DR, la 99 183, ex 050T transformée en 131T, assura du service de 1956 à 1962.
Pierre a parlé de cette machine ici : viewtopic.php?f=19&t=7163&start=70
Le Spreewaldbahn mit aussi en service un autorail en 1934. Il resta en service presque jusqu’à la fin du réseau. Un autre autorail fit une apparition de 1962 à 1963.
Enfin, de 1970 à 1983, la desserte de l’aéroport fut assurée par deux Diesel LKM.

Passons maintenant à notre 99 5633, première locomotive du Spreewaldbahn... qui, par le hasard des numérotations DR, se trouve être la dernière et la seule "étrangère" du lot. Cette machine est l'ancienne numéro 23 du Pillkaller Kleinbahn.

Le Pillkaller Kleinbahn était un réseau situé en Prusse Orientale, exploité par la Ostdeutschen Kleinbahn AG et construit à voie de 75. Détruit par l’armée russe, il fut reconstruit à voie métrique en 1916.
Cinq 130T, construites par Jung en 1917 pour le Heeresfeldbahn, furent affectées à ce réseau. Elles y restèrent en service, sous les numéros 21 à 25, jusqu’à la deuxième guerre mondiale, puis elles furent dispersées :
Les n°s 24 et 25, qui avaient échoué sur le Weimar-Rastenberger Eisenbahn, furent cédées en 1946 à l’URSS
En 1945, la n°21, après un passage par le Harz, se retrouva dans le Palatinat, où elle devint en 1948 la 99 2700, puis en 1955 la 99 241. Nous avons déjà parlé de cette machine au chapitre 1-2-1, mais ma recherche sur Wikipedia m'a permis de compléter son histoire.
viewtopic.php?f=19&t=7163&start=190
La n°23 se trouvait en 1945 dans un camp de l’Organisation Todt dan le Brandebourg.
Elle fut envoyée en 1947 sur le Spreewaldbahn, où elle prit le numéro 09-27, à la suite des six 030T d’origine du réseau. En 1950, elle fut renumérotée 99 5631 par la DR.

99 5631 à Straupitz avant 1954.
Source: http://www.die-spreewaldbahn.de/
En 1954, on s’aperçut que ce numéro faisait double emploi avec celui d’une des deux 031T ex-Côte d’Or, qui venait d’être reconstruite pour le réseau du Harz.
Au lieu de la numéroter dans une autre tranche, ce qui aurait été logique, on lui attribua le numéro 99 5633, à la suite des deux 031T.
En 1954, elle reçut un frein à air comprimé, en remplacement du frein Heberlein.
En 1963, suite à un incendie, elle reçut un toit plat en remplacement de son toit arrondi d’origine.
Elle resta en service sur le Spreewaldbahn jusqu’à sa fermeture en 1970.

source: http://www.drehscheibe-foren.de/foren/r ... 2,page=all

Lok 99 5633 et l'autorail VT 133 523 de 1934 à Straupitz (L'autorail doit vous dire quelque chose...)
Source: http://296486.forumromanum.com/member/f ... forum.html

En 1971, elle fut vendue à la Deutschen Eisenbahn-Verein (DEV), après révision aux ateliers de Wernigerode. Elle est conservée en état de marche sur le CF touristique Bruchhausen-Vilsen–Asendorf sous le nom de Spreewald. Elle y a perdu son gros réservoir de frein et retrouvé son toit arrondi.

99 5633_als_SPREEWALD_Bruchhausen-Vilsen
Source : Wikipedia

Cette machine bien connue a été reproduite par Weinert en HOm et par LGB en Iim.

Elle a aussi inspiré des amateurs de vapeur vive et figure en bonne place dans le parc du Swiss Vapeur Park.

Plus anecdotique, elle a inspiré un certain Tyrphon, il y a pas mal d’années, avec un modèle bricolé sur base Berliner TT Bahnen, pour l’ami Marc Donda, alias Abran.

Photo Marc Donda

[malletslm]

Comme souvent je connaissais un peu la machine (y compris sa reproduction "maison" en H0m ! ), mais beaucoup moins le réseau : le projet de ligne touristique est une vraie surprise pour moi, merci pour les liens !


Côté "miniatures", les 130T ex "Pillkaller Kleinbahn AG" ont aussi inspiré la firme Wilesco (célèbre pour ses machines "fixes" à vapeur vive) pour son unique incursion dans le domaine ferroviaire, à l'écartement de 45 mm. Le modèle baptisé "Lucas" n'est apparemment plus au catalogue du fabricant, il est vrai qu'il faisait pâle figure face à la rude (et belle !) concurrence existant sur ce marché (Accucraft, Regner...), qu'on en juge plutôt :

Hum : pour une fois, je suis presque gêné d'avoir ajouté cette contribution ! L'idée était simplement d'être le plus exhaustif possible...

[tyrphon]

Je viens de constater que sur le cataloque Weinert, "Spreewald" est représentée avec un toit plat, qu'elle a dû conserver quelque temps au début de sa préservation.
Plus grave, la 5633 est représentée azvec son toit plat, mais sans son compresseur et l'énorme réservoir qui va avec, ce qui m'étonne de la part d'une marque comme Weinert.

Tiens, je viens de compléter le chapitre consacré à la 99 241, compte tenu de ce que je viens de découvrir sur le Pillkaller Kleinbahn.

[tyrphon]

2-3-8 Série 99⁵⁷⁰ - 99 5701 à 5707

Passons maintenant à la grosse cavalerie du Spreewaldbahn.

En 1897, la firme Hohenzollern à Düsseldorf livra cinq 030T pour les Lübben-Cottbusser Kreisbahnen. Deux autres suivirent en 1899 et 1903.
Ces machines ne portaient pas de numéros, mais les noms de localités desservies par le réseau (Lieberose, Straupitz, Lübben, Burg, Cottbus, Goyatz, Werben). Elles ne changèrent pas d’identité lorsque la compagnie devint la Spreewaldbahn AG en 1924, et ce ne fut qu’en 1938 que l’administration brandebourgeoise leur attribua les numéros 09-20 à 09-26, avant que la DR ne les renumérote 99 5701 à 5707 en 1950.

Future 99 5706 à Goyatz 1927
source: http://www.die-spreewaldbahn.de/

A l’origine, les machines étaient équipées du système de frein Heberlein.
Dans les années 30 selon certaines sources, à la fin de la guerre selon d'autres, les bielles d'acouplement avant durent être démontées en raison du jeu provenant d'un manque d’entretien. Elles devinrent donc des 120T . Elle retrouvèrent leur configuration de 030T au début des années 50, à l’exception de la 99 5705, qui garda cette disposition jusqu’à sa réforme! Il faut croire que les charges remorquées n’étaient pas énormes… ILa 99 5703 perdit à nouveau ces bielles à la fin de sa vie active.
En 1951, toutes les machines reçurent l’éclairage électrique, et en 1952-53, elles furent équipées du frein Knorr à air comprimé, avec une pompe proéminente et un énorme réservoir d’air comprimé fort peu discrets sur ces petites machines!
Toutes les machines restèrent en service pratiquement jusqu’à la fin du réseau, leur mise hors service s’espaçant entre 1967 et 1970.

Archives R. Delie

Burg 1968
Source: http://296486.forumromanum.com/member/f ... forum.html

La 99 5703 est préservée avec une voiture mixte-fourgon dans le musée du Spreewaldbahn à Lübbenau.

Source: http://www.drehscheibe-foren.de/foren/r ... 08,5842262

Cette série de machines est bien connue des amateurs de HOm, sa reproduction par Tillig ayant été pendant plusieurs années la seule machine à vapeur abordable pour nombre de modélistes, mise à toutes les sauces malgré son aspect très typé, surtout dans leur aspect final. Elle n’est hélas plus en fabrication.
J'ai même eu du mal à en trouver une image correcte sur Gogol!

Avec cette série, nous fermons le chapitre du Spreewaldbahn.
Encore deux ou trois petites compagnies, avant d'aborder, pour finir, le gros morceau du Harz!

[Rockandrail]

Ah! Enfin un réservoir rouge!

[malletslm]

J'ignorais l'épisode "120T" (effectivement bien visible sur la première photo !) dans la vie de ces sympathiques machines...

Quant aux miennes en H0m, je les ai scrupuleusement laissées dans leur livrées et numérotation DR , tout au plus me suis-je autorisé quelques retouches de peinture, à partir de photos vues sur internet !

[tyrphon]

Je viens de retrouver mon livre "'Die Spreewaldbahn", éditions Alba.

Ce livre situe la transformation des futures 99⁵⁷⁰ en 120T à la fin de la guerre et pas dans les années 30. Je trouve cette hypothèse plus vraisemblable, compte tenu de l'état de délabrement de l'Allemagne à cette époque. Ces machines devaient souffrir d'une faiblesse au niveau du châssis.

La transformation de la 99 183 en 131T par démontage du système Luttermöller entraînant les essieux extrèmes procédait du même "système D".

Je ne résiste pas au plaisir de montrer une photo de cette 99 183, tirée de l'excellent Drehscheibe Foren, pour clore en images le chapitre du Spreewaldbahn et ouvrir celui du Gera-Meuselwitz-Wuitzer Eisenbahn, où elle finit sa carrière.

Source: http://www.drehscheibe-foren.de/foren/r ... 60,5152260