Bonjour,
Dans un sujet consacré aux locomotives E 103 de la DB, j’avais fait part de mon appréciation sur les formes de cette locomotive, me doutant bien de la réaction des admirateurs de cet engin. Un intervenant a immédiatement réagi :
"La 103 a au moins un pare brise dans le bon sens et une livrée sobre, avec des formes rondes et douces qui respectent la logique aérodynamique. La 6500, avec ses lignes agressives, arbitraires et sa livrée criarde donne plus dans le graf d'immeuble de banlieue..."Alors, je me suis dit qu’on pourrait ajouter un petit chapitre consacré à l’aérodynamique ferroviaire en général. Comme évoqué en tout début de récit, nous avions été confrontés à des problèmes aérodynamiques avec les turbotrains RTG. Il ne s’agissait pas de problèmes liés au CX général de la rame, mais particulièrement liés aux flux des échappements et des entrées d’air dans les écopes d’aspiration et de ventilation. A cette époque, alors tout jeune cheminot et totalement inexpérimenté en mécanique des fluides, je m’étais rapproché d’un expert du département de la recherche, un certain M. Guiheux…
Il m’avait d’emblée rassuré : "dès l’instant qu’il y a des tampons et des attelages, des rambardes, des phares proéminents etc., ce n’est pas la peine de parler d’aérodynamique, la forme avant globale ne jouant que sur des puoillièmes du CX !". Je n’ai pas de relevés propres aux locomotives (y en a-t-il eu de complets réalisés ?) en tout cas, la figure ci-dessous donnant la décomposition de la résistance à l’avancement d’une rame TGV A est assez instructive.
La surface A représente la masse du train, la surface BV est celle de la résistance au roulement.
La surface CV² est décomposée en divers éléments qui permettent d’apprécier leur importance :
- les bogies : ils ont une part prépondérante dans la résistance à l’avancement. C’est donc un avantage offert par la rame articulée qui, à capacité égale, nécessite moins de bogies qu’une rame classique.
- la surface mouillée : c’est la surface totale du train où là encore la rame articulée à un niveau bénéficie d’un maitre couple moindre grâce à son plancher surbaissé entre les bogies. Dans le cas du TGV Duplex à grand maitre couple, la surface mouillée est plus importante, mais la capacité du train est accrue de 40%.
- les pantographes : à 300 km/h, la trainée de cet appareil n’est pas négligeable. C’est la raison pour laquelle tous les trains à grande vitesse ont les embases de ces appareils et de leur environnement carénées. La trainée aérodynamique d’un pantographe est pratiquement égale à celle d’une planche de la largeur de l’archet et de la hauteur entre la toiture et la caténaire ! C’est la raison pour laquelle la caténaire des TGV à été placée à 4,90 m du niveau du rail (contre 5,50 m plus traditionnellement) et à hauteur constante. De plus à grande vitesse, un seul pantographe alimente les deux motrices. En contrepartie, il faut une ligne de toiture ayant elle aussi sa trainée. D’ailleurs, sur les TGV post TGV-PSE, les supports des isolateurs et les isolateurs eux-mêmes ont été réduits en taille. Pour le record du TGV A à 515,3 km/h, la ligne de toiture avait été remplacée par un câble continu entre les deux motrices afin d’économiser cette trainée.
- les formes AV et AR : on note bien le relativement faible impact sur la résistance à l’avancement dans le cas du TGV A. Il est évident que son influence sera un peu plus élevée dans le cas d’une locomotive classique, mais en tout cas, ce n’est pas elle qui sera la plus rude à combattre en regard de tous les autres facteurs.
Alors peut-on parler de locomotive aérodynamique ? A mon sens, non : car si l’on considère, outre la forme AV perturbée par tous les équipements frontaux, les mauvaises pénétrations dans l’air des pantographes, des équipements et ligne de toiture, des lanterneaux et autres bogies avec toutes les pièces en mouvement de leurs transmissions, on ne peut guère parler de fluidité aérodynamique.
En fait, locomotive "ovoïde" ou "nez cassé", même combat sur le plan aérodynamique ! L’appréciation n’est alors plus qu’une question d’esthétique. Car si l’œuf fait penser à une forme aérodynamique symbole de vitesse, n’oublions pas que Paul Arzens disait des CC 6500 qu’elles symbolisaient le sprinter sortant des starting-blocks ! En fait pour rouler vite, cas des CC 6500 ou CC E 103, on installe les KW qui vont bien et on fait avec ce qui suit, à savoir le nombre de voitures vis-à-vis de leur tonnage et de leurs propres trainées aérodynamiques, notamment à cause des équipements sous châssis, bien supérieures à celles des rames à grande vitesse. Rappelons que les 8,8 MW installés (ramenés actuellement à 8 MW) sur une rame TGV A de 240 m de long lui permettent en toute sérénité de rouler à 300 km/h, alors que le TGV 325 (deux fois plus court et plus léger) avait développé 15,8 MW pour atteindre 515,3 km/h !
Enfin, je n’ai rien contre les CC 6500 et E 103, je leur préfère simplement les BB MTE et les BB 36000, uniquement pour une question esthétique.
2B.