Aldayo a écrit:Suite à l'accident ferroviaire de hier soir, si notre ami peut nous fournir des explications sur la déformation des motrice TGV (si c'est ton domaine)
Car je savais que le nez était réformable mais on dirait que la parti juste derrière la cabine aussi !!
Bonjour,
Il est clair que les accidents ferroviaires ont toujours éveillé les interrogations et les réponses apportées par les concepteurs du matériel roulant. Citons notamment l’apparition au milieu des années 1920 des voitures métalliques pour répondre à la fragilité des voitures en bois. Plus près de nous, notons le renforcement des cabines de conduite au début des années 70 ayant entrainé la suppression des vitrages panoramiques et leur remplacement par des structures métalliques, en ne conservant que les parties vitrées nécessaires à la conduite du train.
Il faut considérer deux types d’accidents :
- 1) matériel ferroviaire contre véhicules routiers sur les passages à niveau.
- 2) matériel ferroviaire contre matériel ferroviaire.
En général, lorsqu’un véhicule ferroviaire percute une automobile, l’impact des fait au niveau des tampons avec le risque que le véhicule routier soit écrasé vers le bas et vienne devant les roues occasionnant le déraillement. En 1976, à Bar-le-Duc, la BB 15011 percute une automobile, la locomotive déraille, vient s’encastrer dans le pont métallique enjambant le canal. L’affaire avait couté 3 Mds de Francs à l’assureur….Pour faire face à ce genre da catastrophe, les matériels moteurs seront rapidement dotés de chasse-obstacles, très souvent appelés chasse-neige par les ferroviphiles : il s’agit bien de chasse-obstacles, conçus pour repousser un véhicule automobile, la lame frontale étant dessinée pour servir occasionnellement de chasse-neige. Ce dispositif a prouvé son efficacité : j’ai vu récemment un accident où la BB 15001 avait poussé sur plusieurs centaines de mètres une automobile et que tout se passe « suivant les plans »….
Les restes de la BB 15011, du pont et de tout le reste du train. Si mes souvenirs sont bons, la circulation ferroviaire a été interrompue durant deux mois, le temps de tout réparer….
Mais sur les passages à niveau, il y a aussi des poids lourds, dont des semi-remorques. Dans ce cas-là, le problème se complexifie compte tenu de la masse et des dimensions des véhicules impactés. En général, le choc se fait au niveau des organes de choc et traction (niveau du châssis) du matériel ferroviaire contre le châssis de la remorque routière. D’emblée, on ne considère pas le choc (accident de Voiron) d’un train de 400 tonnes lancé à 105 km/h contre un obstacle de 350 tonnes « ancré » à la route : là, il faut s’en remettre à Dieu !
Dans le cas les plus classiques, il y a deux cas fréquents :
-1) la caisse et son chargement risque de basculer sur la cabine de conduite du train provoquant son écrasement mettant en péril la vie du conducteur.
- 2) la remorque routière se sépare du tracteur et pivote autour du train de roues arrière venant percuter latéralement le train à un, voire deux ou trois endroits par ricochet. Le plus redouté des poids lourds étant évidemment le camion citerne car si la remorque comporte un châssis celui-ci est impacté par le train alors que le réservoir est déjà entré en contact avec la face frontale du véhicule ferroviaire. Et que dire du produit transporté en termes de toxicité ou d’inflammabilité !
L’analyse de (trop) nombreux accidents ferroviaires a amené les experts en accidentologie de la Direction du Matériel de la SNCF à mettre au point des modèles mathématiques d’accidents types et de transmettre les supports informatiques aux constructeurs de matériel ferroviaires afin que les structures à déformation programmée répondent efficacement à la plus grande majorité des accidents. Un TGV, tel que le Duplex, est capable d’encaisser une énergie de 6 mégajoules en protégeant le personnel et les passagers. Pour une locomotive, telle que la BB 27000, l’énergie absorbée par les éléments fusibles est de 2,4 mégajoules. Il est également bon de rappeler que la SNCF, en partenariat avec le constructeur, a montré à un panel de journalistes et de professionnels du monde ferroviaire, un essai en direct de test-crash d’une remorque extrême de TGV Duplex. L’essai unique et réussi (contrairement aux dizaines de carcasses de bagnoles testées) a montré la grande pertinence des dispositions prises. La remorque écrasée a même fait l’objet d’en test de réparation des éléments écrasés de la structure. Je me souviens dans la tribune, alors que le responsable des études commentait le déroulement de l’essai, un journaliste a ironisé : « un crash à 46 km/h, c’est la vitesse d’une mobylette ! » Oui, mais une mobylette de 80 tonnes lui répondis-je. Cinq secondes plus tard, c’était le choc : à entendre le bruit de la violence de l’impact, le mec a blanchi ; puis il a fermé sa gueule…..Sur le TGV Duplex par exemple, l’ensemble des dispositifs de sécurité passive représente 1 % du prix du train ; alors, si ça peut sauver des vies…et atténuer les couts de réparation.
Enfin, quant à l’accident ferroviaire de deux trains l’un contre l’autre, tant qu’il n’y a pas de chevauchement des véhicules, ça se traduit par plus ou moins de tôle tordues (cas du TGV Tarbes-Paris) bien souvent réparables par les grands technicentres SNCF.
Depuis le TGV 001, l’avant de la motrice a été conçu pour offrir un bouclier frontal protégeant une cabine résistante. A noter le trou rectangulaire sous la fenêtre trapézoïdale arrière : c’est la trappe d évacuation du conducteur. La zone fusible se trouve au droit les portes d’accès.
Grâce à cet écorché on peut voir apparaitre les divers éléments qui vont entrer en jeu lors d’un choc frontal :
- l’attelage qui va encaisser en premier.
- au-dessus du châssis, réalisé en acier à haute limite élastique (HLE), on trouve un bouclier d’absorption d’énergie réalisé en tubes ou en nid d’abeilles.
- une cabine résistante avec une trappe d’évacuation du conducteur (représentée rabattue).
- la première zone fusible déformable est le cadre de la porte d’accès.
- la structure arrière de la motrice est également déformable, zone à faible concentration d’équipement, le compresseur d’air en l’occurrence.
Vue sur l’avant d’une motrice du TGV A en cours de construction où l’on retrouve les éléments structuraux décrits ci-dessus
Toute la parie avant peinte en blanc n’apporte absolument rien en termes de résistance mécanique. Ce n’est qu’un habillage en fibre de verre répondant à l’esthétique et à l’aérodynamique.
Un nez de TGV en fibre de verre ; c’est un consommable. Tous les grands centres de maintenance des TGV en ont 5 ou 6 en stock.
Test-crash d’une remorque extrême du TGV Duplex. La photo est prise par une caméra rapide, quelques microsecondes avant l’impact. Par cet essai, complété par un test crash d’une motrice, le TGV Duplex a montré la pertinence des dispositifs de sécurité passive, tant par le calcul que par l’essai réel. Tous ses concurrents n’ont jamais rien démontré, se contentant de certifier que les performances sont-là…..
Accident contre un transport exceptionnel à La Varette. Tout l’avant a « dégagé », la cabine a relativement bien résisté.
La remorque routière, en pivotant autour de son train arrière est apparemment venu impacter l’arrière de la motrice.
Puis la remorque routière semble être venue impacter à nouveau le train par ricochet, à moins que ce ne soit le chargement.
UTKR.