Un petit post sur ce bouquin paru aux éditions de La Vie du Rail récemment.
Je suis un amateur des bouquins de photos de l'éditeur et je suis tombé un peu par hasard sur ce nouveau livre. En fait le titre du livre ne m'avait pas forcément attiré, je craignais un nouvel opus qui fasse vibrer la corde de la nostalgie avec des photos déja vues ailleurs (genre Vapeur Bonheur, le genre de titre que je déteste: même si les roulants étaient des passionnés, je ne pense pas que l'on puisse parler de "bonheur" et puis je n'aime pas qu'on associe des objets à des sentiments, comme quand les constructeurs auto essaient de nous faire croire qu'on va être heureux parce qu'on conduit leur dernier modèle... )
Bref, tout cela pour dire que j'ai été conquis par ce livre qui mixe un texte très construit et une iconographie choisie. Il explique bien la démarche et le mode de pensée qui ont amené à la suppression de nombreuses lignes de chemin de fer, souvent peu de temps après leur construction. C'est passionnant et cela apporte pas mal de réponses à des questions que je me posais depuis longtemps: en particulier au sujet de fermetures de lignes qui avaient un réel intérêt pour l'aménagement du territoire...
Ce qui est pointé du doigt c'est effectivement le dogmatisme qui a présidé à des choix présentés comme obligatoires pour rétablir l'équilibre des comptes de la SNCF. On y retrouve la logique du "downsizing" (réduction de taille), véritable religion des gestionnaires, sans que jamais ne soit pris en compte le bien collectif (environnement, service, perennité...), religion qui a amené à la ruine totale du fret ferroviaire en France (avec la complicité objective des syndicats, qui par leur conservatisme délirant et leur activisme forcené ont fini de dégoutter les derniers industriels que la direction de la SNCF n'avait pas réussi à virer!).
A aucun moment on ne s'est demandé si on ne pouvait pas valoriser autrement les investissements titanesques que toutes ces lignes avaient représenté. Ce n'est que lorsque les régions ont hérité du dossier TER qu'on s'est aperçu qu'avec une prestation et des matériels de bonne qualité, les clients revenaient en masse (parce qu'un U150 avec des banquettes d'un autre âge pour faire 150km ça n'a du charme que pour les amateurs de trains!).
Mais je ne suis pas étonné, dans beaucoup d'entreprises, la seule réponse quand ça ne marche pas c'est de réduire la voilure, sans se demander si on fait correctement les choses: quand la recette foire à grande échelle, elle ne va pas mieux marcher quand on aura viré la moitié du personnel... (voir ce qui s'est passé avec Alcatel Lucent, grâce à la "Vista" de Tchuruk qui nous annonçait une entreprise sans usine: il n'y aura bientot plus d'entreprise du tout d'ailleurs!! )
Le mieux c'est que tout cela s'est mené au plus haut niveau de l'Etat, et que semble t'il cela continue dans l'industrie si j'en crois ce que Montebourg disait avec justesse, ce matin à la radio, sur la direction du Trésor.
Autant pour la démolition des chemins de fer que pour la chute de l'industrie dans ce pays, il y a eu une stratégie délibérée: nos grands économistes nous ont vendu tout d'abord l'idée de la "révolution de la voiture individuelle" en singeant bêtement les USA, et dans une prophétie auto-réalisatrice ont cassé les chemins de fer pour faire de la place, puis depuis trente ans la "fin de l'industrie" et l'ère des services, en oubliant que 60% des services sont liés à l'industrie... (donc pas d'industrie, pas de services! ouarff!!! )
Autant de connerie et d'errements, je dois avouer que ça me troue le c...
PS: quand je paie des impots pour recontruire des tramways qu'on a cassé il y 50 ans, ça passe mal... En Allemagne, en Suisse et ailleurs, ils y sont encore les tramways. Faut donc croire que c'est un mal bien français: dogmatisme + ENA = catastrophe!