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Bouillottes suite et fin
5-1-1-3) Les locomotives de série 88 d’origine badoise
5-1-1-3-1) Série 8875 – anciennement bad. Ib1-2 et bad. Ie1-6
La série qui suit va nous permettre d’évoquer une curiosité ferroviaire : jusqu’en 1938, la traversée du Rhin près de Maxau (Karlsruhe) et de Spire se faisait sur des ponts de bateaux, infrastructures de chemins de fer des plus étonnantes.
Très tôt dans l’histoire des chemins de fer était apparu le souhait d’établir une liaison ferroviaire directe entre le duché de Bade, sur la rive droite du Rhin, et le sud du Palatinat, sur la rive gauche. La voie de communication existant à l’époque se composait en fait d’alignements de ponts de bateaux à Maxau et Maximiliansau. Comme il n’était pas question de transporter les trains par bac d’une rive à l’autre, l’on se décida à renforcer les ponts de bateaux disponibles et à installer une voie de chemin de fer en leur centre.
C’est ainsi que de 1864 à 1865 naissait le premier pont de bateaux ferroviaire d’Europe qui, avec une longueur totale de 362,8 m dont 234 m d’alignement de bateaux, était pour l’époque une vrai prouesse technique. Il se composait de 34 barges. Les rails étaient fixés sur des longrines en bois.
En 1873, sur le modèle du pont de Maxau, on en ouvrait un autre à Spire.
Comme il n’existait aucun précédent dans l’exploitation de locomotives à vapeur sur des ponts de bateaux, la construction des machines dédiées à ce service allait faire l’objet d’un cahier des charges particulier.
Comme la flottaison des barges était relativement faible, les locomotives devaient être légères. Elles devaient toutefois dans le même temps être aptes à tracter leurs charges dans la rampe menant de la berge au pont. Pendant la traversée elle-même, les barges s’enfonçaient une à une de 20 cm dans l’eau si bien que la locomotive et le train se trouvaient en permanence au sein d’un creux représentant une rampe de 3% pour l’essieu avant.
Par contre, comme les distances à parcourir étaient très courtes, les locomotives n’avaient pas besoin d’embarquer d’importants stocks d’eau de charbon.
Pour l’ouverture du service, les chemins de fer du Palatinat avaient commandé deux locomotives, qui seraient suivies de six autres jusqu’en 1873 en raison de l’augmentation constante du trafic, surtout de voyageurs. Les machines avaient été fabriquées par la fabrique de Karlsruhe et portaient les numéros I à VIII dans la catégorie pfälz. T21.
Jusqu’en 1878, le palatinat allait assurer seul le service sur les deux ponts. Afin de ne plus avoir à supporter seul les frais d’exploitation et comme, en 1878 encore, le duché de Bade ne possédait aucune locomotive apte à ce service, le Palatinat transféra les machines VII et VIII aux chemins de fer badois qui en assurèrent l’exploitation sous les numéros 402 et 403 de la catégorie Ib. Ces deux locomotives avaient été livrées par Karlsruhe en 1874.
Ayant besoin d’une troisième locomotive, les chemins de fer badois passèrent commande en 1893, toujours auprès de Karlsruhe, d’une nouvelle machine, numérotée 240 dans la catégorie Ib de deuxième série : Ib2.
Après la nationalisation des chemins de fer du Palatinat par la Bavière, les locomotives du palatinat furent intégrées aux chemins de fer bavarois et parvinrent jusqu’à l’époque de la création de la DRG où il avait été prévu qu’elles forment la série 8870. La numérotation DRG ne leur fut cependant jamais attribuée.
Bien que les machines badoises Ib1-2 de construction palatine fussent semblables aux machines exploitées par le Palatinat, la DRG créa la série 8875 et numérota les deux bad. Ib1 : 88 7501 et 88 7502, et la bad.Ib2 : 88 7503. Les trois locomotives stationnaient au dépôt de Heidelberg. Elles assurèrent le service du pont de bateaux de Spire jusqu’à leur remplacement en 1926 par des machines d’origine bavaroises D-VI (DRG 9875, que nous étudierons plus tard avec la série fourre-tout des BR98).
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Les neuf locomotives palatino-badoises, livrées sur une période de 5 années, présentaient des différences de construction. Les deux premières locomotives livrées ne comportaient initialement pas d’abris sur le poste de conduite ; elles avaient leur dôme situé à l’arrière du corps cylindrique de la chaudière et possédaient des cheminées cylindriques. Elles se distinguaient également par une chaudière installée très bas. Les sablières étaient installées dans le cadre.
Avec la livraison suivante, les locomotives avaient reçu un abri et le dôme avait été déplacé sur le segment avant de la chaudière. Les soupapes de sureté ainsi que le régulateur étaient installés sur le dôme. Les conduites d’arrivée de vapeur avaient été déplacées dans la boîte à fumée. Enfin il n’y avait plus qu’une seule sablière, ronde, installée sur le sommet de la chaudière.
L’eau était stockée dans de longues caisses latérales situées sous le cadre ; le charbon était stocké dans une caisse située du côté gauche, devant la paroi de l’abri.
Les cinq premières machines (I à V) développaient une pression de chaudière de 7 bars. Les machines suivantes furent élevées à 10 bars. L’alésage des cylindres n’était que de 280 mm pour une course de 460 mm. Ces cotes ainsi que l’entraxe de 2100 mm restèrent inchangés d’une machine à l’autre. Il y avait par contre une petite différence de diamètre des roues : 940 mm pour le type Ib1 et 960 mm pour le type Ib2. La longueur hors tampons ne différait que de quelques cm. L’ensemble des machines pouvait rouler à 45 km/h.
A cause de l’installation basse de la chaudière, il n’avait pas été possible d’installer une traverse de tamponnement à l’avant des machines : elle aurait empêché l’ouverture de la porte de la boîte à fumée. De ce fait, les tampons étaient fixés sur la paroi latérale de la boîte à fumée, spécialement élargie à cet effet. Afin d’éviter un accrochage des tampons de la machine avec ceux du matériel tracté lors des changements répétés d’inclinaison au passage des ponts, l’on avait élargi l’assiette de ceux-ci par des disques de bois.
Les freins manuels à vis d’origine furent remplacés plus tard par des freins à air comprimé de construction Schleifer.
Comme la présence des longues caisses à eau latérales rendait l’installation de la pompe à air difficile sur les machines Ib1, on l’installa le long de la paroi gauche de l’abri. Elle se déplaça à droite près des caisses à eau sur les Ib2.
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Sans rapport avec le service des ponts de bateaux, les chemins de fer du bade mettaient en service en 1887 des locomotives-tender de catégorie Bn2 supplémentaires qui étaient prévues pour le service de triage et le trafic léger sur les lignes secondaires. Elles se distinguaient extérieurement des types Ib1-2 par une chaudière de construction différente installée plus haut sur la machine, par un plus grand diamètre des roues, par l’abri et par l’abandon des longues caisses à eau latérales.
30 machines seront commandées à la fabrique de Karlsruhe entre 1887 et 1893 et livrées en six fois. Elles formeront la catégorie badoise Ie1-6.
L’augmentation du diamètre des roues et, de ce fait, l’élévation de la vitesse maximale résultaient en gros du souhait de voir les machines engagées principalement en trafic secondaire léger. Elles étaient pour la circonstance équipées d’usine de freins à contre-pression. Elles furent utilisées pendant de nombreuses années en triage dans les grandes gares de la Forêt Noire jusqu’à ce qu’elles en fussent chassées par les machines de catégorie Xb, plus puissantes. Elles y servirent également très longtemps sur certains tronçons de lignes locales.
On les trouva dans presque tous les dépôts badois : Mannheim, Heidelberg, Lauda, Karlsruhe, Offenburg, Freiburg im Breisgau, Villingen et Bâle (gare allemande) où elles étaient également affectées au service de la voie. Les locomotives étaient équipées de portes et de passerelles d’intercirculation dans la paroi arrière de la cabine de conduite.
Bien que ces machines fussent passablement différentes des locomotives des catégories Ib1-2, la DRG les rangea dans la même série 8875 où elles reçurent, avec des lacunes, les numéros 88 7511 à 88 7563. Ce sont au final 25 machines Ie provenant des différentes campagnes de livraison qui seront intégrées à la DRG :
Catégorie Ib1 – construction 1874 – DRG 88 7501 à 88 7502
Catégorie Ib2 – construction 1893 – DRG 88 7503
Catégorie Ie1 – construction 1887 – DRG 88 7511 – 88 7515
Catégorie Ie2 – construction 1888 – DRG 88 7521 à 88 7522
Catégorie Ie3 – construction 1889 – DRG 88 7531 à 88 7532
Catégorie Ie4 – construction 1890 – DRG 88 7541 à 88 7548
Catégorie Ie5 – construction 1892 – DRG 88 7551 à 88 7555
Catégorie Ie6 – construction 1892/1893 – DRG 88 7561 à 88 7563
A partir de la catégorie Ie5, le diamètre des cylindres était porté de 325 à 356 mm. Cette mesure se révéla performante, si bien que l’ors de leur rénovation, les catégories Ie1-4 reçurent la même transformation. Les machines furent radiées au cours des années vingt. La dernière, série 88 7555 était encore en service en 1930 au Raw d’Offenburg.
bad. Ib1-2
Catégorie : Bn2
Distribution : Gt22.12
Diamètre des roues motrices : 940 mm
Vitesse maxi : 45 km/h
Fabricant : MBG Karlsruhe
Première mise en service : 1874
Tender : 0,7t de charbon
Nombre total construit : 8 par le Palatinat dont 2 cédées au Bade, 1 par le Bade
Nombre intégré à la DRG : 3
Numérotation : 88 7501 à 88 7503
Dates de réforme : 1926
bad. Ie1-4
Catégorie : Bn2
Distribution : Gt22.14
Diamètre des roues motrices : 1235 mm
Vitesse maxi : 60 km/h
Fabricant : MBG Karlsruhe
Première mise en service : 1887
Tender : 1t de charbon
Nombre total construit : 20
Nombre intégré à la DRG : 17
Numérotation : 88 7511 – 88 7548 (numérotation non continue)
Dates de réforme : années 1920
bad. Ie5-6
Catégorie : Bn2
Distribution : Gt22.14
Diamètre des roues motrices : 1235 mm
Vitesse maxi : 60 km/h
Fabricant : MBG Karlsruhe
Première mise en service : 1892
Tender : 1t de charbon
Nombre total construit : 10
Nombre intégré à la DRG : 8
Numérotation : 88 7551 – 88 7563 (numérotation non continue)
Dates de réforme : 1930
Je n’ai pas de photo de la machine ex palatine qui faisait le service des ponts de bateaux. Je peux cependant insérer un profil coté :