Merci à vous pour vos récits de parcours particulièrement intéressants racontés avec tant de minutie dans cet ouvrage. Un vrai régal !
Concernant l'accident du train de permissionnaires ML (marche spéciale 3874) du 12 décembre 1917, si le sujet vous intéresse je peux sans problème vous communiquer (par mp) le nom et l'adresse de mon ami qui pourra vous donner tous les détails car il a étudié le dossier à fond, non pas à partir des articles de presse ou de revues historiques, même sérieuses (qu'il a bien sûr également consultées) mais à partir de l'ensemble des documents officiels concernant aussi bien les enquêtes militaires que techniques et les jugements rendus ultérieurement. Ce que je peux dire c'est que suite aux différentes enquêtes il y a eu 6 inculpés : Léon Buffard, chef de gare de Modane ; Henri Cernesson, chef de service ce jour-là ; Paul Bourgeois, inspecteur principal d'exploitation à Chambéry ; Louis Vallier, commis principal à l'Inspection principale à Chambéry ; Jacques Perrin, inspecteur chargé de la surveillance des trains, lui aussi à Chambéry ; et Louis Girard, mécanicien de la locomotive. C'est dire la complexité du dossier ! Et ils ont tous les six été relaxés, le coupable ou plutôt "les coupables" étant les 22 textes réglementaires (articles du règlment général, circulaires, ordres de services, notes, etc.) d'application pour ce train particulier et se contredisant les uns les autres au point que finalement plus personne ne savait vraiment comment ce train devait être freiné. J'ai d'ailleurs la liste intégrale de tous ces textes, le dernier, une Note Circulaire de Lodiot (chef de bureau de l'inspection principale à Chambéry) étant arrivée à Modane après le départ du train.
En ce qui concerne l'altercation entre Girard et un officier, mon ami est catégorique : elle n'a jamais eu lieu et n'est que pure légende. Aucun témoin ne rapporte un quelconque refus de la part de Girard à prendre le départ, et pour sa seule défense celui-ci se contentera plus tard d'affirmer que seul l'essai de freins sur les trois premières voitures avait été effectué, pas sur l'ensemble de la rame. Ce qui sera contredit par de nombreux témoins dont Cernesson (le chef de service à Modane) ainsi que les serre-freins (aussi appelés "wagonniers" dans les rapports) et même l'aiguilleur du Poste 1 de Modane, un certain Delaison. En outre les freins ne pouvaient pas avoir été "bricolés" : ils avaient été contrôlés et seuls deux étaient défectueux dont un sur un véhicule non freiné, donc sans importance. De toute façon le texte que vous citez est assez fantaisiste sur un autre point : la charge du train. 900 tonnes
Le convoi faisait 533 tonnes sans la loco, moins de 650 tonnes avec loco et tender pleins. Ce sont les valeurs officielles et celles qu'avait Girard sur sa feuille de route. Il ne peut donc certainement pas avoir dit : "neuf cent tonnes sur le cul..."
Le pire, dans cette lamentable histoire (parce que quand on examine les détails on s'aperçoit qu'elle est effectivement lamentable) c'est que la grande majorité des voitures (12 sur 15 plus 2 fourgons) étaient modernes, récentes et équipées du frein automatique continu. Mais elles étaient de construction italienne : on ne pouvait donc pas leur faire confiance ! et donc seuls les trois premiers véhicules étaient freinés par la conduite, neutralisée sur le reste de la rame ! Et les serre-freins, s'ils étaient en nombre suffisants (il y en avait 7 alors que règlementairement 6 auraient suffi) ils étaient pour la plupart néophytes et ne connaissaient pas la ligne...
Enfin, en ce qui concerne le nombre de victimes, morts et blessés, mon ami (toujours lui !) a fait une enquête minutieuse et approfondie dans les archives de tous les hôpitaux de la région, de l'hôpital militaire de Modane à celui de St jean-de-Maurienne et jusqu'à celui de Chambéry. C'est en recoupant toutes les données rassemblées dans les rapports officiels avec ces archives et celles de la mairie de St Michel-de-Maurienne qu'il est arrivé au total de 425 morts.
Une dernière remarque pour terminer : il ne faut pas oublier qu'au moment de l'accident la ligne côté italien, c'est-à-dire en fait à partir de Modane, était déjà électrifiée (en triphasé) et parcourue par du matériel ultramoderne pour l'époque.
bw