par Undertaker
07 Sep 2014, 21:01
Bonsoir,
Nous sommes au début de novembre 2005, pour un nouveau congrès Eurailspeed, cette fois-ci organisé à Milan. Pour l’occasion, VFE SNCF avait choisi de présenter un TGV R (VFE = Voyages France Europe, ex-GL pour Grandes Lignes, sans compter que maintenant ça doit encore avoir un autre nouveau label !). Mais pas n’importe quel TGV R ! Le TGV 508, un des tous premiers relookés Lacroix. Bien sur, un TGV bicourant qui ne marche pas en Italie, alors qu’on aurait pu lui substituer une motrice tricourant ce qui aurait bien évidemment évité l’envoi du « Barnum » d’accompagnement et une BB 67400 pour la nourrice électrique. De toute façon, c’était VFE qui décidait, le Matériel n’avait qu’à exécuter. Ceci dit, il faut que je tempère mes propos vis-à-vis du Barnum puisque c’était ma raison d’être sur ce genre d’opération. J’en avais d’ailleurs profité pour faire venir mon successeur afin qu’il voie sur le terrain.
Une fois avoir tout mis en place, à savoir la rame TGV à quai, la BB 67400 (c’en était une en livrée Corail +) et les câbles branchés, je dis au Cadre Traction (CTT) et à ses deux conducteurs : « c’est bon, tout est en place, vous pouvez mettre sous tension, je repars aux voitures. Vers 19h00, ne voyant rien venir, je suis allé aux nouvelles ; le CTT me dit : « il n’y a rien à faire, nous n’arrivons pas à mettre sous tension le TGV ». Alors, je lui répondis : « quand la 67400 enverra le courant du chauffage train, regarde bien le voltmètre de la motrice et dès qu’il monte à plus de 1000 V, tu lances illico la fermeture DJ ; rendez-vous à la voiture, à 19h30 on sert l’apéro » ! À 19h45, je vois enfin arriver mes trois lascars plus un des dépanneurs qui me disent : « ça y est, c’est bon, c’est sous tension ». « Ah, et comment as-tu fait » ? « Ben, comme tu as dit », me répondit-il… En fait, les pantos étant isolés pneumatiquement à cause de l’incompatibilité de la caténaire, ceux-ci ne peuvent pas monter. Or sur les TGV R, il y a un relais qui donne l’information « panto levé » et qui autorise la fermeture DJ. En utilisant la méthode d’anticipation de la procédure, on leurre ce fameux relais et la fermeture DJ est opérationnelle. Si non, il ne se passe rien !
En ce mois de novembre, le temps était maussade à Milan, avec une pluie fine qui dure…Alors, forcément les quelques visiteurs aux pieds humides laissaient leurs traces sur les plateformes d’accès. Puis, certains d’entre eux prenaient un café chaud au bar. Soudain, un groupe à très forte densité féminine, venant depuis les voitures de 1ère classe, fait irruption dans le bar. À peine avoir lâché un bonjour de circonstance, celle qui semblait être la dominante, à la vue de mon badge s’adresse à moi pour me signifier qu’il y a une tache sur la moquette marbrée de l’allée centrale de la remorque R2. Allons voir. Arrivés devant ladite tache, de la taille d’un auriculaire infantile, nous eûmes ce dialogue surréaliste :
- Ça doit être une tache de café, c’est à cause de la vente au bar !
- Madame, il n’y a pas que le café qui laisse des taches brunes au sol.
- Il faut faire nettoyer ça.
- Dans votre organisation, avez-vous prévu un nettoyage particulier pour le TGV ?
- Non, mais l’organisation d’Eurailspeed en a prévu un.
- Ah oui, je les ai vus. Ils sont deux et passent à tour de rôle dans chacun des trains exposés. Faudra attendre notre tour. De plus, vous savez Madame, ces gens-là ont un aspirateur qui ne se branche pas dans nos prises !
- Mais comment ! J’ai fait ajouter des prises partout.
- Comme je suis certain que vous passez fréquemment l’aspirateur chez vous, vous devez bien savoir que la puissance nécessaire à ce genre d’appareil ne convient pas à vos prises d’ordinateurs de 100 W.
- Mais pour le nettoyage dans les centres de maintenance, il a bien des prises pour aspirateurs !
- Ah, vous voulez parler de ces prises-là, au sol près des portes de salle. Mais vous savez, ce sont des prises industrielles et les prises domestiques de l’équipe italienne que l’on attend ne rentrent pas dedans. Ce qu’il faut, ce sont des adaptateurs. Or, des adaptateurs, j’en ai prévus trois ; et je ne les disponibiliserai que quand on me les demandera gentiment…
Je suis certain qu’elle m’a pris pour un gros con ; ce qu’elle ne savait pas, c’est que je m’en foutais éperdument.
Suite à cet épisode, je suis entré dans la résistance passive. Pour couronner le tout, en fin d’après midi, j’avais la visite de tout le staff de la Direction du matériel : le Directeur du CIM (mon ancien Chef de Département aux caisses locomotives), le Chef de Département des TGV, les Chefs de projets TGV présents et à venir, autrement dit tout le gratin de la Direction M. Tous avaient rejoint Milan en TGV Artésia, en deuxième classe, comme l’exige le règlement du personnel pour les voyages de service. Je suppose qu’ils avaient mis à profit les longues heures du trajet pour peaufiner les discours de leurs interventions aux sessions du congrès auxquelles ils étaient inscrits et, qu’ensemble, ils avaient discuté de l’avenir de l’Entreprise et de ses trains à grande vitesse. Pendant ce temps-là, les courges du markettage étaient venues en avion et partaient se remettre de leurs émotions au lounge de l’hôtel.
Au palais des congrès, la SNCF avait un beau stand sur lequel on parlait voyages, évasions, prestations et leurs tarifs ; en face, Alstom avait aussi un beau stand sur lequel on parlait technologie de la grande vitesse, export, nouveaux développements etc. Comme tout baignait dans le meilleur des mondes, je m’étais dit qu’à mon tour il me fallait faire le « sans faute ». Alors, j’avais convenu avec les italiens des FS que tous les jours, aux environs de midi, nous devions conduire la 67400 au plein gas-oil. Ce que nous faisions tranquillement en prenant ensemble notre déjeuner à bord de la Vru, avec un retour vers 15h00 pour remettre le TGV sous tension suivant la procédure à présent bien rodée.
Nous avons eu une cagade à gérer : c’est la première fois que j’ai eu à subir une panne de la B10c10ux avec ses contacteurs de chauffage HS. Alors, un collègue italien parlant le français auquel j’avais part de notre problème, a commandé un taxi en lui demandant de nous conduire au castobricoplus le plus proche. Nous avions fait comprendre au taxi de nous attendre ; j’ai fait confiance à mon cher José qui a chargé 10 radiateurs d’appoint, les fils, les prises, les boites de dérivation, i tutti quanti dans le Caddie. De retour à la voiture, lui et les deux dépanneurs nous ont concocté un circuit de chauffage de substitution dans la voiture-couchettes, du câblage et de la connectique sérieux, dans la pure tradition ferroviaire ! C’est le groupe électrogène de la Vru qui fournissait l’énergie. Le dernier après-midi de l’expo, une nana de VFE, surement animée d’une fibre corporatiste au –dessus de la moyenne, s’est pointée avec deux bouteilles de Champagne et des gobelets en plastique. Alors, je l’ai conduite vers notre Barnum où, avec les rampants du Matériel et de la Traction, nous avons trinqué ensemble dans des flutes en verre. Elle m’avait fait penser à la chanson de tonton Georges « toi l’hôtesse qui sans façons… ». Vers 22h00, notre convoi recevait une locomotive italienne pour quitter Milan. Au moment de brancher le câblot de chauffage, j’ai insisté pour que ce soit celui de la machine italienne qui soit connecté. Le CTT, a eu l’air surpris envers cette exigence ; je lui ai dit : « quand ils décrocheront leur loc., s’ils oublient de débrancher le câblot, ce sera leur problème, pas le nôtre. Il m’a répondu : « c’est du vécu » ? Mon hochement de tête lui a suffi, inutile de décrire l’aventure danoise. Avant de m’endormir, ma dernière pensée fut : « on va bientôt toucher le fond, la bateau coule normalement ». Arrivés au petit matin à Modane, il faisait -4°c, contents de la douce chaleur procurée par nos petits chauffages d’appoint dans notre dortoir.
A+
2B.