Bonjour,
Dans la deuxième moitié des années 90, la SNCF entame une mutation : sans entrer dans les détails, en gros elle ne doit plus être une entreprise technicienne, mais une entreprise commerciale. François Lacôte et sa Direction du Matériel sont dans le collimateur. Comme il tient tête, il obtiendra une mutation : Directeur des Affaires Internationales (DAI) qui pour l’occasion devient la DDI (Direction du Développement International). En clair, il quitte une Direction d’environ 23000 agents (Direction Centrales, Régionales et Établissements de maintenance) pour en prendre une de 32 agents, dont 7 ou 8 font partie du Bureau de Normalisation ! Mais, il a obtenu une mission d’importance, créer SNCF International, filiale qui doit permettre de faire du business. La veille de son départ, il m’a demandé si je voulais bien l’accompagner. Comme je ne savais pas dire non, surtout à lui, j’ai accepté. En moins de huit jours, j’ai quitté le pôle communication de MT pour un poste équivalent à la DDI, sauf que j’étais le Chef de la com., forcément, j’étais seul dans le service…..
En fait, il y avait tout et rien à faire à la fois ! Il est évident que j’avais remis le service de la Com. à ma sauce, celle dont j’avais pratiqué la recette au Matériel. Cette Direction, forcément tournée vers l’extérieur, nécessitait un certain budget pour les objets promotionnels : je m’étais attaché à « renouveler la garde-robe ». Je travaillais avec un fournisseur (société dirigée une charmante femme prénommée Laure) qui outre le fait qu’elle était devenue une copine, fournissait également toutes les sérigraphies pour les parrainages et autres pavoisements des TGV. En remerciement de notre collaboration, elle m’invitait dans un resto du Faubourg-Saint-Antoine où nous rencontrions parfois Roger Tallon, cigare au bec, qui venait se joindre à nous pour un verre ; ceci dit, à l’époque, j’étais également fumeur : Dunhill paquet rouge et Gitanes sans filtre. En tant qu’ancien du Matériel, j’assurais aussi l’organisation de visites d’établissements SNCF pour le compte d’Alsthom et des délégations étrangères qu’elle recevait : j’avais notamment organisé le voyage d’une rame PBKA pour Copenhague. Cette rame a assuré la première circulation, hors trains d’essais, sur la ligne nouvelle passant sous le Grand Belt, en poussant une petite pointe à 230 km/h ! Ma voisine de bureau m’avait dit être stupéfaite que l’on puisse envoyer un TGV PBKA au Danemark rien qu’en passant quelques coups de fil. A cette époque, j’allais au plus court : j’appelais mes correspondants et mettais au point avec eux le programme. Il suffisait ensuite d’officialiser par un courrier la démarche préétablie. Mais cette méthode ne fonctionne pas avec des diodes : il faut que le courant passe dans les deux sens, si non ça ne marche qu’une fois….
Puis un jour, la RGCF (Revue Générale des Chemins de Fer) a eu 120 ans. Pour l’occasion, un numéro spécial a été édité. Tout naturellement, le rédac. Chef s’est tourné vers François Lacôte, l’ancien Dir. MT. Il fallait rédiger tout un tas d’articles sur le matériel roulant et son évolution : il m’a dit « je me charge des TGV, vous du reste » ! Vaste programme ! Alors comme je ne connais rien en électricité et à son histoire, j’ai appelé André Cossié. A cette époque, il avait pris sa retraite de la SNCF et travaillait chez Alsthom sur le site de Tarbes (voir édito de VF 188 à son sujet). Avec sa gentillesse légendaire, il m’a remis un manuscrit de 51 pages au crayon à papier qui a intégralement été retranscrit dans la RGCF. On y apprend des tas de trucs intéressants et notamment qu’il fut envisagé des gares d’extrémité alimentées en 1500 V/3Hz qui auraient permis de faire rouler une locomotive à courant continu ou une locomotive monophasée à très faible puissance !
Nous avions reçu un couple canadien en visite officielle en France. Lui était gouverneur souverainiste au Québec et elle, son épouse, le clone de Romy Scheider. S’intéressant au TGV, je les avais conduits à Lyon en voiture et bien évidemment, le retour en cabine. Le long du parcours, nous avons croisé quelques rames et en passant à vitesse réduite devant les installations de Paris-Conflans, il m’a fait cette formidable remarque : « Au Canada, quand on vous entend parler, vous dites le TGV ; alors on pense que vous n’en avez qu’un. Maintenant on pourra leur dire qu’avec tous ceux qu’on a vus, vous en avez plein » !
Mais, la mission qui m’a lu plus marqué a été le voyage à Madagascar. Sous la pression de la Banque Mondiale et du FMI, le gouvernement malgache s’était engagé dans une politique de libéralisation économique et donc à privatiser des entreprises publiques, dont la RNCFM (régie nationale des chemins de fer malgaches). Dans ce contexte, SNCF I s’est portée candidate à la reprise de la compagnie ferroviaire. Nous sommes donc partis à Madagascar pour une mission d’évaluation. Mon collègue, Jean-Claude Herbault, responsable du secteur Afrique à la DDI avait pris tous les contacts préalables sur place : Ambassade de France, Caisse française de Développement, Entreprises clientes de la RNCFM (dont des filiales du groupe Bolloré) et bien sur tous les dirigeants de la compagnie ferroviaire. Ma mission consistait, outre d’assister à tous ces entretiens, à analyser le parc du matériel roulant (moteur et remorqué) et les infrastructures. Lors de notre inspection, le parc était de :
- 20 locomotives Diesel, dont six officiellement en état de marche, 4 dans la réalité.
- 4 autorails, dont un seul en service.
- une Micheline affectée aux voyages des touristes étrangers.
- une dizaine de remorques d’autorail dont à peine la moitié en service.
- 567 wagons, dont seulement 237 en service.
- 4 locotracteurs.
- 5 ou 6 draisines d’inspection des voies.
Inutile de dire que tout ça était dans un état lamentable, la quasi-totalité du matériel roulant étant d’origine française. Il faut se rendre à l’évidence, Madagascar est un pays pauvre, très pauvre.
A Antananarivo, nous logions à l’hôtel Colbert : de toute façon, c’est ou le Colbert, ou l’Hilton avec des piaules à 670 FF la nuit, soit un salaire moyen annuel d’un malgache. En dehors des cheminots, on rencontre tout un tas d’expatriés et autres baroudeurs qui sont restés là pour le climat, mais aussi pour s’enrichir sur le dos des pauvres : mais bon, y pas que là. Puis un jour, en revenant d’un voyage à Tamatave, je suis allé à l’aéroport accueillir François Lacôte qui avait rejoint la mission. Une fois installé au Colbert, nous sommes allés diner au resto de l’hôtel (après plusieurs tentatives en dehors, si on veut rester en vie, c’est là qu’il faut manger !). Lorsque le maitre d’hôtel s’est pointé, j’ai commandé une soupe de potirons et de la Badoit. FL en a été presque déstabilisé !
- FL : que vous arrive-t-il ?
- 2B : j’ai attrapé la turista, je crois que le vin malgache ne me convient pas !
- FL : à la place de la soupe, vous ne seriez pas plutôt tenté par une langouste ?
- 2B : pourquoi pas ?
- FL (carte en main) : avez-vous quelque chose contre le Château Margaux ?
- 2B : ben, non.
Je vous assure que langouste + Château Margaux est un bon remède contre la turista.
La grande avenue de Tananarive. Au fond, la gare principale perpendiculaire à l’avenue.
Sous les arcades, un petit commerce de « fast food », traduit en français.....
La majestueuse gare de Tana. L’autorail et ses trois remorques : le seul en état pour faire du service commercial.
L’autorail Soulé animé par un MGO de 825 ch. Si on ferme les yeux, on a l’impression d’être en présence d’un X 2800.
Grosse activité Grandes Lignes en gare de Moramanga. Toujours le même autorail et ses remorques. Le couvert à bogies sert au transport des « bagages » des voyageurs.
En face du BV de Tana, ce bâtiment abrite tous les personnels des services techniques (voie et matériel) de la RNCFM.
Un engin de l’équipement : celui-là est en état de marche !
Le faisceau marchandises de Tana.
2B.