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Les lendemains immédiats de l’armistice
En moins de trois mois, le deuxième Reich, proclamé à Versailles en janvier 1871, s’est effondré et avec lui, toute l’organisation politique de l’Allemagne impériale.
Une nouvelle ère commence : le 6 février 1919, l’Assemblée Nationale se réunit afin de doter l’Allemagne d’une constitution Républicaine. Le 11, Friedrich Ebert est élu Président de la République. Le 18, les couleurs impériales sont abolies au profit du drapeau noir, rouge et jaune encore en usage de nos jours.
Dès le 20 juin, cependant, le premier gouvernement démocratique dirigé par Philipp Scheidemann tombe suite aux premiers désaccords engendrés par la future tenue du congrès de Versailles devant mener à la rédaction du traité de paix.
Celui-ci est signé le 28 juin. Son entrée en application sera cependant repoussée jusqu’au 10 janvier 1920 car les différends entre anciens alliés quant à ses modalités d’application vont vite se faire sentir.
Le 11 août 1919, enfin, l’adoption de la Constitution de la République Allemande est officiellement proclamée dans le théâtre national de Weimar. C’est de là que tirera son nom de "République de Weimar" la période de l’Histoire Allemande qui va de la fin de la première guerre mondiale à l’avènement du Nazisme.
Le traité de Versailles
Le traité de Versailles de 1919 annonce la création de la Société des Nations et détermine les conditions de la paix entre l'Allemagne et les Alliés de la Première Guerre mondiale.
Élaboré au cours de la conférence de Paris, le traité est signé le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, annulation emblématique de la proclamation de l’Unité Allemande effectuée au même endroit 50 ans auparavant, et promulgué le 10 janvier 1920. L'Allemagne, qui n'est pas représentée au cours de la conférence, se voit privée de ses colonies et d'une partie de ses droits militaires, amputée de certains territoires et astreinte à de lourdes sanctions économiques.
Les acteurs principaux de cet acte historique sont Lloyd George, Premier ministre britannique, Vittorio Orlando, Président du Conseil italien, Georges Clemenceau, son homologue français et Woodrow Wilson, le président des États-Unis.
Sur de nombreux points, les positions de ces hommes divergent. Le président américain veut mettre en place une nouvelle politique internationale dont il a exposé les principes directeurs dans ses Quatorze points comme suit :
1. Négociations de paix publiques.
2. Liberté de navigation maritime.
3. Liberté de commerce international.
4. Limitation concertée des armements.
5. Règlement impartial des questions coloniales.
6. Évacuation de la Russie.
7. Évacuation et restauration de la Belgique.
8. Retour de l'Alsace-Lorraine à la France.
9. Rectifications des frontières italiennes selon les limites des nationalités.
10. Indépendance des peuples de l'Empire austro-hongrois.
11. Évacuation de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro.
12. Limitation de la souveraineté ottomane aux seules régions turques.
13. Création d'un État polonais avec libre accès à la mer.
14. Création de la Société des nations
Pour lui, la nouvelle diplomatie doit être fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et sur la collaboration entre États. Il dispose d'un grand prestige et d'un poids politique considérable car ses troupes ont grandement contribué à la victoire finale des alliés. Il cherche à ménager l'Allemagne pour éviter qu'un esprit revanchard ne s'y développe.
Les responsables anglais tiennent aussi à laisser à l'Allemagne une certaine puissance. Fidèles à leur théorie d'équilibre entre les puissances, ils tiennent à empêcher la France d'acquérir une hégémonie en Europe continentale. Clemenceau, au contraire, cherche à imposer de lourdes indemnités pour limiter la puissance économique et politique de l'Allemagne, et pour financer la reconstruction de la France. Au final, le traité est un compromis qui ne satisfait personne.
Le traité a pour bases les principes suivants :L’Allemagne endosse la responsabilité morale du conflit et doit en conséquence régler des dommages de guerre.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est reconnu ;
Afin éviter de futurs conflits, une instance internationale chargée de les régler sera créée (la SDN).
Les principales dispositions du traité sont :d'un point de vue territorial : Le retour de l'Alsace et de la Lorraine à la France.
L’attribution des cantons d'Eupen et de Malmédy à la Belgique, ainsi que la Vennbahn.
L’attribution d'une partie du Schleswig-Holstein, qui comporte une population danoise, au Danemark, qui pourtant n'a pas combattu.
L’attribution de la Posnanie et de la Prusse occidentale au nouvel État polonais, ainsi qu'un couloir rejoignant la mer Baltique.
La perte de son Empire colonial qui sera partagé entre la Belgique, la France, le Japon et le Royaume-Uni, sous mandat de la Société des Nations.
Pour protéger la France, la Sarre est placée sous administration internationale et la rive gauche du Rhin, plus Coblence, Mayence et Cologne, sont démilitarisées.
La Haute Silésie et la ville de Dantzig sont placées sous tutelle provisoire des alliés.
L’Anschluss - l'union avec l'Autriche - est interdite.
d'un point de vue militaire :L’Allemagne est désarmée et ne peut se réarmer.
Elle doit livrer 5 000 canons, 25 000 avions, ses quelques blindés et toute sa flotte (qui se sabordera dans la baie écossaise de Scapa Flow).
La Rhénanie est complètement démilitarisée.
L’armée sera limitée à un effectif de 100 000 hommes et le service militaire est aboli
Elle n'a plus droit aux chars, à l'artillerie et à l'aviation militaire.
Suite aux dommages causés pendant toute la durée de la guerre dans le Nord de la France et en Belgique - et étant considérée comme la responsable de la guerre - l'Allemagne devra payer de fortes réparations à ces deux pays.
Une commission ultérieure a, en 1921, fixé le montant des réparations financières à 132 milliards de marks or, ce qui est une somme réellement élevée.
D’un point de vue strictement économique, la somme des réparations est pleinement justifiée. La totalité des combats s’est déroulée sur les sols Français et Belge. Le nord et l’est de la France sont ravagés, à tel point que dans la région de Verdun, des villages ont entièrement disparu, qui ne seront jamais reconstruits.
Néanmoins, avec une telle somme, l'Allemagne n'avait réellement aucune chance de sortir de la crise économique et politique qui la secoue après guerre. L’Allemagne a perdu la guerre économiquement et non militairement. Elle est asphyxiée plus que vaincue. La dureté des conditions sera ressentie comme une humiliation.
Si les Anglais auront des positions modérées quant aux échéances à payer pour les réparations, la France sera d’une intransigeance constante. De ce point de vue, et sans ôter en rien la responsabilité de la machine impériale de guerre Allemande dans le déclenchement du conflit, le refus de prendre en compte la réalité nouvelle que représentaient les Républicains sociaux démocrates, eux-mêmes attaqués sur leur gauche par les tenants de la révolution bolchevique, et sur leur droite par les revanchards conduits initialement par Luddendorf, fut, à mon avis, une erreur politique grave.
Le montant des réparations et le Traité de Versailles jouèrent un rôle relativement important dans le sentiment de rancœur allemand et participèrent à l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler — qui refusa toujours violemment la responsabilité de la guerre 1914-18 à l'Allemagne et dénonça le payement des réparations à l'« ennemi héréditaire du peuple allemand : la France » par le gouvernement allemand de l'époque.
Plusieurs sanctions commerciales et des livraisons en nature complètent ce volet économique :
L'Allemagne perd la propriété de tous ses brevets. Les fleuves Rhin, Oder, Elbe sont internationalisés et l'Allemagne doit admettre les marchandises en provenance d'Alsace-Lorraine et de Posnanie sans droits de douane. En outre, le pays doit livrer aux Alliés du matériel et des produits agricoles.
A noter également la création d'un système de protection des minorités dans les Etats nouvellement créés comme la Tchécoslovaquie et la Pologne.
L'État polonais est recréé par regroupement de morceaux venant des empires russe, austro-hongrois et allemand. Ses nouveaux territoires possédaient parfois de fortes minorités germanophones et le Corridor de Dantzig qui lui donne accès à la mer est bien étroit, mais sépare l'Allemagne de la Prusse orientale.
Ainsi, l'Allemagne se voit amputée de 15% de son territoire et de 10% de sa population, mais ce qui scandalise le plus les Allemands, c'est la création du couloir de Dantzig. Cette étroite bande de terre attribuée aux Polonais brise l'unité allemande en séparant la Prusse orientale du reste de la patrie. Ils vivent ce traité, qualifié de «Diktat», comme une humiliation terrible, qui, bien loin d'apaiser les tensions, nourrira un profond désir de revanche attisé par les discours des militaires et des politiques. Le «Diktat» de Versailles deviendra ainsi un des thèmes majeurs du discours hitlérien.
Dès sa signature, ce traité est remis en cause. Les plénipotentiaires allemands ont été appelés uniquement pour signer et n'ont rien pu négocier. Le Sénat américain refusera de le ratifier et donc empêchera les États-Unis d'entrer à la SDN.