Bonjour à tous,
Je viens de lire les derniers échanges sur les baladeuses et les vélorails du Mastrou et j'avoue avoir était étonné de certaines prises de position.
J'ai 40 ans, mon père comme vous le savez est à l'origine de 2 des 3 CFT de picardie (APPEVA et CFTV), je baigne donc dans les CFT depuis ma naissance.
Comme l'un de mes frère j'aurais pu ne pas être sensible à l'attrait d'une locomotive à vapeur et du coup je ne serais ni un lecteur assidu de ce forum, ni un modeste participant sur quelques sujets qui m'intéressent ou me tiennent à coeur (comme le CFTV par exemple).
Au lieu de cela, j'ai appris à chauffer dès l'age de 14 ans, peut-être parce qu'à 3 ans je faisais de la DFB à Cappy avec mon paternel ?

et je suis impliqué dans l'animation et la direction du CFTV depuis plus de 20 ans. Et comme cela ne suffisait pas, il y a 5 ans, avec quelques amis, j'ai remis en route le Train des Mouettes célèbre pour ses baladeuses rouges.
Permettez donc à un exploitant ayant une petite expérience des contraintes qui s'exercent sur nos exploitations de vous exposer la dure réalité de la vie d'un CFT.
- Nos CFT, même les associations, sont de petites (ou grosses) entreprises. Ils ne peuvent survivre que grâce à une gestion rigoureuse des dépenses et par la recherche permanente de l'optimisation des investissements pour avoir le meilleur retour sur investissement possible. Certains d'entre nous ne peuvent pas toujours investir lourdement et il faut donc que les sommes investies le soient de façon rentable pour le CFT...
- Nos CFT tentent de concilier l'inconciliable : transporter, dans les meilleurs conditions possibles, avec du matériel agé de plus de 50 ans, des voyageurs qui n'ont pour tout référentiel les trains d'aujourd'hui et le plus médiatisé d'entre tous le TGV.
- Les locomotives à vapeur sont un réel aspirateur à clientèle. J'en veux pour preuve la fréquentation de l'année 2009 au TdM ou l'absence de loco vapeur à provoqué une chute de 30% de la fréquentation de nos trains uniquement parce qu'ils étaient en traction diesel (l'offre étant la même voir un peu plus étoffée) et le retour à une fréquentation "normale" dès 2010 avec le retour de la vapeur. Mettre un diesel en tête d'une rame de baladeuse n'est absolument pas un gage de bonne fréquentation, d'autant plus si vous avez une vapeur devant une rame (historique ou non) à côté. Nos clients dans leur immense majorité viennent pour la locomotive et la balade et non uniquement pour la balade.
- Les clients de nos CFT souhaient des véhicules adaptés à la saison. L'été des baladeuses ouvertes et agréables seront toujours privilégiées par la clientèle, mais en cas de pluie, s'ils ne peuvent s'abriter dans ces mêmes baladeuses, ils se rabattrons sur les voitures fermées...
- Les travaux de maintenance du matériel ancien, quel qu'il soit, diesel ou vapeur, ont un cout qui est loin, très loin, d'être négligeable. On pense souvent au prix d'une chaudière (autour de 100.000 € pour une petite 030-T à voie normale), mais remplacer un moteur diesel n'est pas non plus gratuit. Un diesel ancien coûte lui aussi très cher à faire rouler, même si cela reste moins cher.
- Les coûts de maintenance et de création/remise en état pour une baladeuse seront forcément moins élevés que pour une voiture ancienne, encore plus en bois. Regardez donc du côté du CFBS qui a attendu de nombreuses années avant de pouvoir faire une rénovation digne de ce nom de ses voitures Somme pour lesquelles il faut recontruire les caisses. Et avant cela, qu'ont-ils utilisé pour transporter leurs clientèle ? des voitures Suisses qui par certains aspects sont plus proches de baladeuses, en tout cas plus moderne que les Sommes, et bien sur les Sommes encore utilisables. Au TdM, certains membres du CA avaient aussi mis sur pieds un projet de rame plus historiques (des modernisées ouest sur une ancienne ligne de l'Etat...) mais ce projet a été enterré par le président de l'époque (2008 - début 2012). Espérons que l'actuelle équipe dirigeante arrive à relancer ce projet et à le mener à bien.
- Les clients des CFT ne viennent pas sur un CFT parce qu'il est authentique (ou représentatif) et c'est bien dommage parce que finalement le CFTV avec sa 030-T et ses voitures à plateforme d'avant 1930 sur une petite ligne à voie unique et départementale est assez représentatif de ce qu'était le chemin de fer d'intérêt local à voie normale dans la région durant l'entre 2 guerres... Ils viennent parce qu'ils sont à proximité, parce que le CFT est visible (il fait sa pub), parce que l'offre de ce CFT correspond aux attentes des clients (période d'ouverture et type de traction par exemple) et pour des tas d'autres raisons qui ne sont pas forcément simples à identifier.
- Les amateurs de chemin de fer ne font pas vivre les CFT. Il y a en France quelques milliers d'amateurs, mais que représentent-ils par rapport au plus de 130.000 voyageurs/clients du plus gros CFT de France le CFBS ? Nous même au CFTV, nous estimons à 10% tout au plus les amateurs qui viennent dans nos trains et avec une fréquentation de l'ordre de 2500 à 3000 voyageurs les bonnes années, faites le compte... Par contre, ces mêmes amateurs, qui pour certains n'ont jamais pris votre train autrement qu'en photo, sont toujours prêts à vous dispenser des conseils tant sur le matériel que vous devez faire rouler que sur la façon de l'entretenir et sur la façon de faire vivre votre CFT...
Alors tout comme vous je rêve que nos CFT français ressemblent au CFT britaniques avec de jolies gares, des membres partout et toujours prêts à venir tenir un poste qui n'est pas toujours valorisant, du matériel historique parfaitement entretenu grâce à une fréquentation digne des CFT britaniques : plusieurs centaines de miliers de voyageurs pour les plus gros CFT à voie normale, je ne connais pas assez bien les CFT à voie étroite britaniques pour pouvoir citer des chiffres de ce côté là.
Mais avant d'en arriver là, il faut que les CFT évoluent. Qu'ils passent du stade des pionniers qui ont oeuvré pour la préservation du matériel, quitte à se faire taxer de hamster..., à un stade de pérénisation de l'activité avec une évolution vers le haut dans le matériel et sa disponibilité mais aussi dans l'exploitation et en particulier le nombre de jours d'ouverture et le nombre de circulations par jour. Cela ne se fera pas en claquant des doigts, des moyens humains et financiers seront nécessaires, mais des possibilités existent et je fais confiance aux dirigeants de nos CFT pour tout faire pour mettre en oeuvre une telle évolution.
Le Mastrou est dans cette évolution, la nouvelle équipe a bien compris qu'il ne s'agissait pas de juste faire rouler des trains et la direction qui est prise semble adaptée aux contraintes et aux possibilités du Mastrou et devrait permettre de voir de nouveau circuler des Mallets CFD sur une ancienne ligne CFD et pour l'amateur que je suis (moi aussi) c'est très important !