par bogie-wogie
27 Mar 2013, 01:24
Comme cette semaine il n'y a pas de nouveau problème de triage à résoudre, je vous propose pour compenser et boucher ce vide, un nouveau chapitre de mes "Astuces". Un peu spécial, celui-ci, mais utile malgré tout comme j'essayerai de le montrer dans les astuces suivantes (la semaine prochaine sans doute).
Astuce 5 : notation par wagons déplacés.
La façon de loin la plus compacte pour décrire une solution de manière complète est celle dite des « wagons déplacés » : une liste de nombres, chacun représentant le nombre de wagons déplacés d’une voie vers l’autre à chaque étape. Ce n’est pas la notation la plus explicite ni la plus claire à comprendre et son aspect purement numérique, pour ne pas dire abstrait, l’éloigne inconfortablement de nos voies bien ballastées. Mais c’est justement cet aspect abstrait qui en fait un outil incontournable si on veut approfondir la théorie de ce jeu. Différents exemples (notamment avec les astuces 6 et 7) le montreront sans ambiguïté.
Mais auparavant une convention importante : la numérotation des voies. A priori, comme je l’ai souligné à maintes reprises, les deux voies du triage sont équivalentes. Aucune discrimination entre elles ! C’est un triage très égalitaire… Il convient cependant, pour des raisons pratiques, de distinguer la voie de départ, celle sur laquelle se trouve la rame à trier et surtout la locomotive (ou le locotracteur) au début du jeu, voie que nous noterons voie « 0 » (zéro), de l’autre voie, en principe vide au début du jeu et notée voie « 1 ».
Pourquoi 0 et 1 plutôt que 1 et 2, valeurs qui semblent plus naturelles ? Parce que numériquement cela présente de nombreux petits avantages qui, ajoutés les uns aux autres, en font un gros. Le premier est celui de la conservation de parité. Concept barbare pour dire d’une voie faussement experte que si un tri s’effectue en un nombre pair de manœuvres, il se terminera sur la voie paire, c’est-à-dire « 0 ». Alors que s’il requiert un nombre impair de manœuvres il se terminera sur la voie « 1 » impaire. C’est pas beau, ça ? Et ce n’est pas aussi stupide qu’on pourrait le croire…
Un deuxième avantage est que lors de l’écriture de nos solutions en listes de wagons déplacés, on peut préciser sans effort et sans ambiguïté dans quel sens s’effectue le déplacement. Deux wagons déplacés de la voie 0 vers la voie 1 « montent » et seront donc affectés d’un signe « + », à savoir : +2 ; si trois wagons sont déplacés de la voie 1 vers la voie 0, ils « descendent » et on écrira alors : -3. Si la loco se déplace seule de la voie 0 vers la voie 1 on écrira : +0 (zéro wagon), dans l’autre sens se sera : -0. Et pour les pseudo-puristes qui seraient tentés de pousser des hurlements en voyant des zéros positifs ou négatifs, je préciserai qu’il y a des domaines mathématiques où cela s’utilise pourtant. Il ne faut donc pas s’en offusquer !
Cette petite parenthèse refermée, il est grand temps de donner un exemple de ce que recouvre tout ce long verbiage. Un exemple très simple pour commencer, la rame BA. Elle se trie en 3 manœuvres : B déplacé de 0 vers 1 (= +1) ; retour loco de 1 à 0 (= -0) ; et enfin A déplacé de 0 vers 1 (= +1). La solution s’écrira donc sous la forme : [1-0+1]. En tout rigueur ce devrait être [+1-0+1] mais le « + » initial est élidé pour faire plus joli… On notera que notre solution compte 3 étapes et se termine donc sur la voie impaire 1.
Cet exemple était élémentaire et avait même été donné dans des astuces précédentes. Un cas déjà moins évident, par exemple, est le tri de la rame ECBDA. Il se résout en 8 coups décrits par : (2-0+2-0+1-4+2-3). Si cela vous amuse vous pouvez vérifier cette solution. Ou plutôt ces solutions, parce qu’il y en a deux. Vous ne voyez pas la seconde ? Prenez tout simplement la solution donnée ici en la lisant à l’envers !
Et c’est donc là que j’introduis subrepticement les parenthèses. Car je fais une distinction importante (fondamentale même) entre les crochets et les parenthèses. Une solution entre crochets ne se lit que dans un sens, de la gauche vers la droite. Une solution entre parenthèses, par contre, peut se lire dans les deux sens, de gauche à droite ou de droite à gauche. Cela permet d’écrire deux solutions distinctes en une seule formule. Subtil…
Mais si cela se limitait à ce petit avantage d’écriture, la technique n’en vaudrait pas vraiment la peine. Elle est beaucoup plus riche ! Surtout quand on combine dans une même solution les crochets et les parenthèses, ou plusieurs jeux de parenthèses. Revenons pour cela à des exemples un peu plus simples. Par exemple la rame BCAD. Elle se trie de deux manières différentes en 4 coups et les deux solutions sont : [2-0+1-3] d’une part, [3-2+0-1] d’autre part. Les mettre entre parenthèses ne convient pas parce que le segment [2-0+1] reste tel quel dans les deux solutions et ne doit donc pas être inversé. Comment s’en sortir ? Eh bien en respectant rigoureusement la définition des crochets pour le segment invariant, mais en plaçant l’ensemble de la solution entre parenthèses pour obtenir : ([2-0+1]-3). Ouh la ! Comment doit-on interpréter cette formule cabalistique ? Très facilement en considérant, comme je l’ai dit que le segment X=[2-0+1] forme un tout invariant et que la solution est alors (X-3), c’est-à-dire : [X-3] d’une part, [3-X] d’autre part.
C’est du lourd, là ! Du moins c’est peut-être ce que vous pensez. Mais on peut aller beaucoup plus lourd encore dans le genre. Un dernier exemple avant de clore ce chapitre, la rame EACBD, qui se trie en 7 coups. Deux de ses solutions s’écrivent sous la forme : [(3-2+3-4)+1-0+4]. Tiens, ici les crochets sont à l’extérieur et les parenthèses à l’intérieur. Cela veut dire que la différence entre les deux solutions ne concerne que le segment entre parenthèses, ce segment pouvant être lu dans les deux sens (mais pas l’ensemble de la solution !) Pour être bien clair, voici les deux solutions en question : [3-2+3-4+1-0+4] d’une part, [4-3+2-3+1-0+4] d’autre part. En fait, pour être tout à fait rigoureux, j’aurais dû écrire, dans ma formule initiale : [([3-2+3]-4)+1-0+4]. Il y a une justification à ce niveau de complexité supplémentaire, mais je n’entrerai pas dans les détails ici, rassurez-vous.
Par contre, pour être complet, il me faut dire que le tri de la rame EACBD a 4 autres solutions et qu’elles s’écrivent toutes en une seule formule… [1-0+((2-1+2-3)+4)]. Deux niveaux de parenthèses imbriqués ! J’entends déjà les hurlements et je crois qu’il vaut mieux en rester là. Je me contenterai d’ajouter une remarque (simple) concernant ces parenthèses : chaque jeu de parenthèses dans une solution double le nombre effectif de solutions décrites. Ainsi un jeu de parenthèses représente 2 solutions ; 2 jeux de parenthèses (imbriquées ou côte à côte – parce que ça existe aussi) représentent 2x2=4 solutions ; 3 jeux de parenthèses représentent 2x2x2=8 solutions, et ainsi de suite…
Les deux astuces suivantes feront beaucoup appel à cette notation par wagons déplacés, avec crochets et parenthèses. Mais je vous rassure tout de suite : il s’agira vraiment d’astuces simples et à la portée de tous, fort utiles cependant et rendant plus efficaces quelques-unes des astuces proposées précédemment. Tout cela grâce à un emploi ciblé (et simplifié) de ces fameux crochets et parenthèses.
Et le train dans tout ça ? le claquement des roues au passage des joints, le crissement des boudins contre les rails,… Ah oui ! ça me rappelle vaguement quelque chose…
bw
Ce qui est rare est cher,
Une locomotive miniature bon marché est rare,
Donc : une locomotive miniature bon marché est chère.