Thierry Lefèvre se passionne pour la Compagnie des chemins de fer du midi.
Thierry Lefèvre se passionne pour la Compagnie des chemins de fer du midi. (photo jean-daniel chopin)
Partager
Envoyer à un ami
Imprimer
Les tronçons de feu le pont ferroviaire sur l’Adour intéressaient des artistes plasticiens locaux, qui n’ont pu tirer leurs poutres métalliques du jeu. Thierry Lefèvre, lui, a réussi à sauver quelques morceaux de la fonderie. Hier, il les embarquait pour les stocker chez lui, du côté de Nay. « Nous sommes quelques passionnés réunis dans l’association Patrimoine et culture ferroviaire du midi. Notre but ultime est de créer un musée dédié à ce patrimoine. »
Tout ce qui relève de la glorieuse histoire de la Compagnie des chemins de fer du midi fixe plus particulièrement l’intérêt de ces férus du rail. « Cette compagnie, créée par les frères Péreire, a beaucoup contribué à l’enrichissement de la région. Le grand sud et en particulier le sud ouest. » Nous sommes au XIXe siècle et le pont de fer bayonnais va être construit par la fameuse compagnie. « Pour moi, ce pont est mythique. C’est le témoin d’une époque et d’un savoir-faire. Comme celui de Bordeaux. »
Arrière-petits-fils de Gustave
Thierry Lefèvre n’est pas un de ces grands gamins qui n’ont jamais cessé de faire tourner des trains électriques dans leur chambre. « C’est plutôt le patrimoine industriel qui m’intéresse », confie-t-il. « Des collectionneurs de trains électriques, vous en avez beaucoup. Mais vous n’avez pas grand monde qui se préoccupe de morceaux de rails ou de pont. »
Ce jeudi après-midi, sous cette fichue pluie qui se moque de l’été, les petits tronçons de l’ouvrage sont chargés sur un camion. Réseau ferré de France (RFF) et Bouygues qui a construit le remplaçant du « pont Eiffel » ont donné leur accord. « Ils laissent notre association les récupérer gratuitement. Mais vous savez que ce n’est pas vraiment un ‘‘pont Eiffel’’?» Les Bayonnais l’ont toujours désigné ainsi, pour son aspect incontestablement évocateur. « C’est vrai que sa conception est typique de la structure de fer à la Eiffel. Mais une étude précise a permis de dire qu’il n’en est pas le concepteur. »
L’année dernière, l’association des Amis de Gustave Eiffel a fait analyser l’ouvrage sur l’Adour. « Cette association réunit ses descendants. Ils sont très attentifs au maintien du patrimoine de leur aïeul. Ce n’était pas le cas cette fois. » Thierry Lefèvre a rencontré Philippe Coupérie-Eiffel, arrière-petits-fils du père de la tour la plus célèbre au monde. « Il m’a aidé par ses relations à faire aboutir notre projet de récupérer des morceaux du pont. »
« Fait main »
Ce sont ces « rails de Brunel » notamment. L’homme fait parler la ferraille : « Ces rails ont été produits au XIXe siècle et puis on s’est aperçu qu’ils s’usaient vite. Ils étaient trop fragiles. On les a donc recyclés dans la construction d’infrastructures comme ce pont. » Thierry Lefèvre peut même vous enseigner que le rivetage d’origine, trop peu fiable, a été remplacé par des boulons. « Vous voyez la différence ? Ca a été modifié dans les années 1920. On n’a pas choisi ces pièces par hasard. »
Pour le connaisseur, cette rouille transpire l’histoire. Elle dit le labeur des ouvriers qui ont construit le « pont Eiffel » sur l’Adour. « C’est une construction bien particulière. Les piles de point étaient cerclées de fer. À l’intérieur des cercles, les employés des chemins de fer du midi ont creusé et remonté la terre dans des paniers d’osier. C’est du fait main. » L’homme est intarissable sur les rivets posés « à chaud ». Et il se gratte la tête devant la « croix de Saint-André », soit cette sorte de croisillon monumental, caractéristique de ces constructions. « Je viens d’avoir l’autorisation de l’emporter, mais la croix mesure trois mètres par quatre et demi. Je ne sais pas si ça va être possible. »
Peut-être finira-t-elle par rejoindre elle aussi le stock de l’association, en Béarn. Là où des panneaux de signalisation d’époque, des documents et même des WC pour dames « avec le siège en porcelaine » attendent la création du musée des chemins de fer du midi.