Bonjour,
Me voici donc arrivé à l’équipe caisse TGV 001. Pour cela, j’ai juste changé de place, « de planche » (à dessin) dans notre jargon, dans un bureau tout en long où nous n’étions pas moins de 25 types : chefs d’études, chefs-dessinateurs, dessinateurs-projeteurs et calqueurs. Je débute en participant à la mise en place de fixations des bavettes en caoutchouc des césures entre caisses. Les mises au point sur le TGV 001 sont nombreuses, et comme le projet de desserte à grande vitesse de la ligne Paris-Lyon se précise, le turbotrain entre dans son vrai rôle de prototype visant à tester les équipements des futures rames commerciales.
Sur cette photo du TGV 001 en vitesse, on voit bien les bavettes entre caisses qui se déforment sous les turbulences aérodynamiques présentes à l’intérieur de la césure. Pour combattre ce phénomène, nous avons relié les bavettes par des triangulations. Cette expérience a permis de redéfinir la section des bavettes de série.
La première étude que l’on m’a confiée a été de dessiner plusieurs montages de rotules entre les caisses du TGV 001. Lorsqu’il a été équipé de deux bogies Y 226 (qui donneront naissance aux Y 230 et Y 231 de série) encadrant la remorque de 1ère classe, une désagréable vibration longitudinale est apparue. Les diverses configurations de rotules raidies ou assouplies en X et en Y n’ont jamais vraiment solutionné le problème, simplement de mettre en évidence l’influence d’un changement de paramètre. Ce truc-là a été mis de coté ; heureusement, ce phénomène a disparu sur les rames de série, sûrement à cause de l’homogénéité du tronçon articulé.
La rotule de liaison entre caisses du TGV 001. Cette rotule est un composite caoutchouc/métal fournie par Kléber-Colombes. A quelques détails près, cette rotule sera reconduite sur les TGV de série (PSE, ATL, R). Vue avec le plancher retiré.
A droite, c’est un dessinateur (Guy) qui a en charge le suivi des ETG, du moins ce qui en restait. Le moustachu (Roger), c’est mon chef direct. Le barbu (Claude) est mon homologue aux bogies TGV avec son chef (Louis « Loulou ») à lunettes. Tout à gauche, c’est notre chef d’études (Jean) : j’aimais beaucoup ce type et le respectait avec déférence, nous le surnommions « la cagouille » (le petit gris). Il vouvoyait beaucoup de monde, alors que le tutoiement est plutôt courant au chemin de fer. Quand il s’adressait moi, il disait souvent « dites-donc jeune homme ».
Le TGV 001 est équipé de suspensions pneumatiques. Mais suite aux essais avec les bogies Y 226, les rames TGV PSE seront dotées de ressorts métalliques qui sont en vogue avec les RTG et surtout les voitures Corail. Les ingénieurs aimeraient bien pouvoir se dispenser des barres antiroulis sur les TGV. Cet objectif semble facile à atteindre attendu que les ressorts sont logés dans les intercirculations pour lesquels il n’y a pas de plancher limitant la hauteur du plan de suspension. Pour cela, nous allons créer une maquette échelle 1 pour tester l’influence de la hauteur du plan de suspension sur le coefficient de souplesse et de la position du centre de roulis. Le principe est se servir de la remorque de 1ère classe, retirée du TGV pour la circonstance, et de lui adjoindre un véhicule simulant la motrice adjacente afin que le bogie articulé et ses suspensions reçoivent une charge identique à la situation de service.
Mon chef est un type économe, tant dans sa vie privée que professionnelle. Pour cet essai, il a déjà des pistes à suivre. Il m’emmènera à la base d’essais de Mitry où sont entreposés des éléments de la maquette échelle 1 ayant servi à tester la suspension pendulaire hydraulique qui aurait dû équiper le TGV 002, si ce dernier avait existé. Là, il y a (entre autres) un bogie « élémentaire », un bogie de type Diamond, des gueuses de 2400 kg pièce, des tampons, des poteaux caténaire etc….Nous sélectionnerons tout ce qui nous semble utile et il se chargera de tout faire transférer aux ateliers de Villeneuve-Voitures (VVO). Après avoir fait les relevés de cotes de tous ces éléments (forcément les dessins n’existent pas) je suis prêt pour entamer l’étude. Le chariot fausse-motrice est essentiellement constitué de "chutes" de poteaux caténaire. La partie la plus remarquable est l’anneau porteur qui va relier le véhicule fausse-motrice à la remorque TGV. Cet anneau est constitué d’un assemblage de profilés et de tôles dont la mise en œuvre est simple. La grande particularité réside dans le fait que les appuis des ressorts sont démontables et peuvent être retournés pour tester les grands ressorts des remorques et les doubles petits ressorts des motrices et remorques extrêmes des futurs TGV PSE. En outre, la hauteur du plan de suspension est placée à 2,3 m au-dessus du rail et, par un jeu de cales, on peut faire varier la hauteur du ressort. Ce sont les ateliers de Villeneuve-Voitures qui se chargeront de la réalisation des pièces et du montage de l’ensemble.
L’attelage sera instrumenté par la section d’essai MED qui lui adjoindra une voiture de mesures pour les essais sur la « voie des gauches » de la base de Villeneuve. La traction du convoi est assuré par une BB 63000 depuis le dépôt jusqu’à la base d’essais. Nous testerons cinq hauteurs de plan de suspension avec à chaque test une mesure en dévers de 100, 200 et 300 mm. L’ensemble des relevés permettra de tracer des abaques bien utiles pour les passages au gabarit alors que précédemment, on ne se reposait que sur des valeurs forfaitaires indiquées par la fiche UIC 505, notamment en ce qui concerne la hauteur de l’axe de roulis.
Ensemble du convoi d’essais. Au 1er plan la voiture de mesures issue de la transformation d’une voiture restaurant CIWL. Puis le chariot lesté de gueuses, le bogie Y 229 et la remorque de 1ère classe du TGV 001.
Le bogie est instrumenté pour relever les écrasements et le ripage des suspensions lors des passages en dévers. Les pièces « couleur primaire » sont les cales qui permettent de faire varier la position du ressort par modification de l’empilage.
L’arrière de la remorque repose sur un bogie Diamond USA 1918 qui a reçu une traverse sur laquelle on chariote la rotule de l’anneau fixe afin que la caisse subisse la même translation à l’avant qu’à l’arrière. On note la barre d’attelage d’origine RTG, allongée pour la Z 7001 et qui a également été utilisée pour ce montage.
J’ai toujours aimé quitter le BE pour suivre et participer à l’essai : c’est une bonne école…..Mise en place du bogie après modification du plan de suspension. La manipulation se fait à la fosse coupée du dépôt de Villeneuve-Saint-Georges.
A+
UTKR.