H71
2-1-4) La série 38La série 38 comprend 5 modèles de locomotive au type 2’C
2-1-4-1) Les locomotives de série 38 d’origine prussienne2-1-4-1-1) Série 3810-40 – anciennement pr. P8Nous y voici ! L’une des locomotives les plus emblématiques des chemins de fer allemands. La représentante phare de la technique des locomotives prussiennes. Une bonne à tout faire parfaitement réussie qui a roulé à peu près partout en Europe.
Dès 1905, nous venons de le voir, la P6 (future DRG BR 37
0-1) se révèle insuffisante en termes de puissance et de vitesse pour le service auquel il avait été prévu de l’affecter. A la place, l’administration prussienne souhaite pouvoir disposer d’une machine à trois essieux moteurs accouplés, capable d’atteindre les 100 km/h et qui soit à même d’assurer le service dans les courbes serrées des lignes en rampe.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
Sur la base d’un projet de Robert Garbe approuvé par le ministère en 1905, Schwartzkopff met en construction dix premières machines. La première d’entre elles sort d’usine à l’été 1906. Elle porte le numéro de fabrication 3616 et est immatriculée 2401 « Coeln ». Quatre de ces dix premières machines vont à la Direction des Chemins de Fer de Cologne ; les six autres vont à Elberfeld.
Si l’on se réfère aux notes de Garbe, la machine est initialement destinée à servir de locomotive de vitesse. Donc une type « S ». La brochure publiée par Schwartzkoppf qui accompagne les machines lors de leur livraison présente également cette locomotive 2’C à vapeur surchauffée et tender séparé comme une locomotive pour trains express. Dans cette optique, Garbe lui-même, pensant permettre à la machine d’atteindre les 110 km/h, l’a fait équiper d’une cabine de conduite au profil coupe vent.
Les premiers essais effectués sur la ligne Grunewald – Güsten – Mansfeld sont couronnés de succès et montrent immédiatement que la P8 surclasse de beaucoup la P6. Mais ils révèlent également plusieurs erreurs de jeunesse, typiques des nouvelles constructions.
La répartition des masses entre l’avant et l’arrière – comme souvent sur les constructions « Garbe » - est mal équilibrée. A grande vitesse se produit un fort mouvement de balancier qui sera compensé par un déplacement de pas moins de 30% de la masse de la machine sur les livraisons suivantes. On réduit notamment de 15 mm l’épaisseur du plein des jantes des roues du premier essieu accouplé afin de le décharger du travail principal. Puis on revient sur cette décision, on rétablit la masse du premier essieu pour affaiblir d’autant celle du second essieu accouplé.
Les deux premiers essieux moteurs ne sont pas initialement couplés par une bielle de compensation et de nombreux essais seront nécessaires pour trouver la meilleure disposition des coulisseaux. L’entraînement présente des échauffements à cause d’une pression trop élevée. Ce problème sera réglé par une réduction de l’alésage des cylindres. La surface de chauffe est réduite de 150,6 à 142,3 m² quand le surchauffeur est porté à 58,9m².
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
L’aspect extérieur de la P8 va lui aussi pas mal changer au cours des années. Seule une centaine de machines seront livrées avec la cabine de conduite coupe vent. Comme celle-ci n’apportait rien en termes d’aérodynamique aux vitesses d’exploitation de la machine, elle est vite remplacée par une cabine à face plate.
L’allure de la chaudière évolue également beaucoup au cours du développement. Sur la première version, le dôme se trouve devant la sablière. Vers 1920, il est déplacé au centre de la chaudière, derrière la sablière. Avec la mise en place d’un système de purification d’eau, un deuxième dôme – le dôme d’alimentation – vient prendre place devant la sablière qui se retrouve ainsi encadrée. Et il y aura finalement des P8 à deux sablières.
Dès 1914, les P8 sont équipées d’un surchauffeur Knorr installé sur la passerelle gauche du châssis. A partir des livraisons de 1913, l’axe de suspension de l’entraînement est remplacé par le système Kunsch permettant un meilleur freinage. Au cours de l’année 1928 enfin, les machines reçoivent les petits pare-fumée typiques de la série.
Vers 1914 cependant, la majorité des modifications et améliorations ont eu lieu et, de 1914 à la livraison des dernières machines en 1923, peu de choses changeront encore.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
Le cahier des charges de la P8 indiquait la traction de trains locaux de 400t en plaine à 90 km/h et de 365t à 40 km/h en rampe de 10‰. Pour le service express, les caractéristiques étaient de 300t à 100 km/h en plaine et de 370t à 40 km/h en rampe de 10‰.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
Environ 2350 locomotives P8 seront construites jusqu’à la fin de la première guerre mondiale. Le traité de Versailles obligea l’Allemagne à céder 625 machines, c’est-à-dire plus du quart du parc. Parmi elles, 190 iront aux PKP, 168 à la SNCB et 162 aux compagnies françaises.
Machine prussienne, la P8 ne sera pas exclusivement construite pour les KPEV. Les chemins de fer de l’Oldenbourg en auront cinq ; ceux du Mecklembourg treize, et les chemins de fer du duché de Bade en posséderont quarante.
La DRG lors de sa fondation en 1920 décide de poursuivre la construction de la P8. La dernière d’entre elles sera livrée par AEG sous le numéro 38 4051 en 1923. Ce sont en tout 3561 locomotives P8 qui seront construites et livrées aux diverses compagnies de chemins de fer allemandes. A l’exception de Esslingen et Hartmann, tous les constructeurs de locomotives allemands construiront des P8. Le principal d’entre eux sera Schwartzkopff avec 1027 machines, suivi par Henschel avec 740 exemplaires.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
La prussienne P8 est non seulement la locomotive pour trains de voyageurs construite en plus grand nombre mais elle est également l’une des plus fiables et des plus économiques de toutes les locomotives allemandes. Après la première comme après la seconde guerre mondiale, cette locomotive s’est érigée en colonne vertébrale du trafic de voyageurs sur l’ensemble du territoire Allemand. Après 1945, tout particulièrement, la remise en état du trafic ferroviaire aurait été beaucoup plus difficile qu’il n’a été sans la présence en nombre de cette machine inusable. A l’exception des services express et marchandises lourds, la P8 s’est retrouvée en service dans tous les domaines d’exploitation des chemins de fer.
Pourtant les radiations avaient déjà commencé au temps de la DRG. Au premier avril 1933, 199 P8 avaient déjà quitté le service.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
La P8 a servi de base à de nombreuses recherches et expériences. Citons notamment l’équipement réalisé par Henschel en 1931 sur la BR 38 3255 : un tender moteur 1’B2’ équipé d’une turbine à vapeur.
La BR 38 2698 reçoit temporairement en 1932 un entraînement Caprotti puis est rééquipée de son entraînement Heusinger d’origine.
Les BR 38 2687 et 38 4010 participent aux essais des soupapes Lentz. L’éjecteur Giesl est testé avec succès sur la BR 38 3276 en 1964. L’économie de charbon qui en résulte atteint 14 à 24%. D’autres expériences menées sur la BR 38 2860 en 1966 confirment ce résultat. 70 machines en seront équipées.
+-+-+-+-+-+-+-+-+-+
La P8 a payé un assez lourd tribut à la deuxième guerre mondiale. Les données chiffrées présentées par les administrations ferroviaires des deux Allemagnes sont cependant très divergentes et difficiles à prendre en compte. Le nombre de pertes donné par la DB est de 1200 machines contre 700 pour la DR. Un nombre non négligeable de P8 est en effet resté aux mains d’administrations ferroviaires étrangères après la guerre. En tout cas, les machines récupérées après guerre par la DB sont encore toutes en service en 1958 et il en reste encore 712 en 1963.
En 1968, par contre, elles ne sont plus que 73. Une partie des machines de la DB se retrouve équipée du tender baignoire hérité de la locomotive de guerre BR52.
A la DR en 1971, la P8 est déjà rare. La dernière y sera radiée en 1972.
La dernière P8 de la DB (la 038 772-0) a tenu jusqu’en 1974. Elle a de ce fait survécu à sa remplaçante théorique, la BR23, dont tous les exemplaires avaient déjà été radiés. Pour la P8, des états de service de 50 ans et plus ne sont pas rares. 500 machines environ atteindront cette longévité et ne seront égalées à ce titre par aucune autre locomotive conçue pour le service des voyageurs.
La BR 38 1182 du dépôt d’Aschersleben, conservée au musée de Dresde, a assuré 61 ans de service : mise en service sous le numéro 4485 par schwartzkopff en 1910, elle ne sera radiée qu’en 1971.
Catégorie : 2’Ch2
Distribution : P35.17
Diamètre des roues motrices : 1750 mm
Vitesse maxi : 100 km/h
Fabricant : Schwartzkopff
Première mise en service : 1906
Tender : pr.2’2’T21,5 avec 7t de charbon (tender d’origine)
Nombre total construit : 3561
Nombre intégré à la DRG : 2875
Numérotation : 38 1001 à 38 4051
Dates de dernière réforme : 1974
BR 38 1087 (ex pr. P8 2402 Mainz) (Schwartzkopff 4245/1909) Version initiale avec grande cabine et dôme à l’avant.
BR 38 3070 (ex pr. P8 2554 Essen) (Henschel 18254/1921) Version standard sans les pare-fumée.
Les modèles réduits de la P8 sont innombrables. Citons notamment :
Fleischmann 64160 – BR 38 1543
Trix 22101 – BR 38 2019 en service « Rhur Schnellverkehr »
Märklin 37039 – BR 38 2637