Bonjour,
Pour compléter les informations données par EC64, j’ai téléphoné hier à mon grand copain Claude Sery avec lequel (lui aux bogies et moi aux caisses et structures) nous avons œuvré à la fantastique épopée de l’adaptation de la suspension pneumatique au TGV PSE. Pour rappel, les 107 rames TGV PSE sont sorties de construction avec des suspensions métalliques. Cette grande étude, ayant impliqué de nombreux techniciens et ingénieurs et dont la mise au point aura duré trois années, restera le plus beau et le plus exaltant souvenir de ma carrière de cheminot. Il en résultera un niveau de confort et de stabilité à très grande vitesse qui fait la renommée du TGV et qui, in fine, aura concerné plus de 700 rames TGV à travers le monde. Tout ceci, nous l’avons raconté dans le n° 187 de la revue Voies Ferrées.
Revenons à notre conversation et au bogie Y 207. Mr Mauzin, abondamment cité dans l’extrait de la revue AFAC était surtout un "essayeur", ce qui ne retire en rien à ses qualités d’ingénieur, à ses réalisations, à son expertise et aux recommandations qu’il a apportées au monde ferroviaire. Par contre, le bogie Y 207 est du à un concepteur, l’ingénieur SNCF Gaston Chalmel de la DEA (Division des Études d’Autorails). Claude, alors jeune dessinateur, en avait tracé le dessin d’ensemble. Les quatre bogies Y 207 ont été réalisés par les ateliers SNCF de Périgueux. Ils ont en outre été essayés sous des voitures DEV et sous une voiture TEE inox M69. Comme évoqué plus haut, la crainte de la rupture des consoles (pendants) "C" ont un peu freiné les destinées de ces bogies. Alors, Gaston Chalmel a persévéré dans le développement des bogies dont la suspension est assurée par des barres de torsion. Il avait ainsi développé le bogie Y 214 qui a équipé le turbotrain TGS. Cette fois-ci, il n’y avait plus de crainte des "C", puisque les longerons articulés reposent sur les boites d’essieux. Claude m’a confié que ces bogies étaient très souples et qu’on pouvait même soulever une des quatre roues de 150 mm alors que les trois autres restaient en contact avec les rails…
Mais c’était sans compter sur l’ingénieur Pierre Moron (orthographié à tort Pierre Morom dans Wikipédia) qui travaillait aussi sur les nouvelles générations de bogies au sein de la DEV (Division d’Études des Voitures). Il a conçu les prototypes des bogies Y 28 dont l’une des principales caractéristiques est l’introduction de la "boite à bras" articulée de la suspension primaire. Ces prototypes donneront naissance aux bogies Y 28 de série avec l’aboutissement du bogie Y 32. Le bogie Y 32 est une propriété de la SNCF et construit par les Établissements De Dietrich. A chaque bogie Y 32 exporté, le constructeur alsacien reversait des redevances à la SNCF. François Lacôte m’avait confié que ces sommes versées ont largement couvert les frais de développement de cette famille de bogies. C’est aussi en grande partie à Pierre Moron que l’on doit les voitures Corail (techniquement parlant s’entend !).
Claude a fini par me dire que le bogie Y 28 avait emporté le match sur le bogie Y 207 par ce que la DEV aurait mieux insonorisé la voiture testée sous son propre bogie que sous celui de la DEA : mais Claude est un ancien de la DEA, donc parfaitement intègre…
Toujours est-il qu'après le TGS, hormis les ETG qui ont reçu (prudemment) des bogies d’autorails à empattement plus grand pour mieux "tenir" le 160 km/h, tous les bogies suivants issus des études DETMT (ex-DEA) pour les RTG, XR 6000, X 2100/2200, etc. ont été des bogies avec boites à bras articulés du type développé par la DEV…
UTKR.